Cinéma côté scène

Mercredi 11 mars 2009

Théâtre / Les Marseillais de Cartoun Sardines donnent voix, sons et corps aux films muets : après Faust, voici une variation autour de Lulu.Nadja Pobel

Avant de travailler avec les images, Patrick Ponce, acteur et metteur en scène, a fait du théâtre, mais ce n'était pas vraiment des classiques ; ceux-ci étaient démontés puis remontés, Le Malade imaginaire se transformant en Malade imaginé. L'aventure cinématographique est arrivée presque par hasard, dit-il : «je travaillais sur le mythe de Faust pour une pièce de théâtre quand j'ai visionné le film de Murnau et j'ai changé de projet». Le spectacle se construit alors autour du film. Les panneaux-écriteaux sont supprimés, il s'en inspire pour inventer des dialogues et surtout il sonorise le film avec son complice Pierre Marcon. Le résultat est captivant, accentuant encore l'inquiétude et l'étrangeté de ce sommet de l'expressionniste allemand. Pour poursuivre son exploration, Patrick Ponce cherche une œuvre de cinéma qui ait un rapport direct avec le théâtre. Son choix se porte alors sur Lulu, pièce de Frank Wedekind censurée, puis divisée en deux parties afin que l'une d'elle puisse être donnée en public. Pabst adapte les deux réunies en 1929 avec Louise Brooks dans le rôle de la danseuse de revue éprise de désir, de gloire et de danger. Patrick Ponce crée alors un jeu autour du film qui n'est pas l'objet premier vers lequel tourner son regard.Collision
«Théoriquement le texte de Wedekind et le film de Pabst auraient du être complémentaires mais par miracle les deux éléments ne se mélangent pas. On utilise donc cinq parties sur les huit du film. Il a fallu considérer tout le plateau comme une ère de jeu théâtrale, le film est une matière concrète avec lequel on joue, c'est un soutien. L'écran avance, recule, tourne sur lui-même. Nous jouons avec le faux - le film - et le vrai - nous, comédiens et musiciens. Et parfois les rôles s'inversent». Habillé sur le modèle des personnages du film, il crée une identification et un décalage avec l'image pointant parfois certaines maladresses et créant aussi des situations burlesques. Si le théâtre utilise de plus en plus l'image dans les créations contemporaines, ce sont souvent des vidéos réalisées pour soutenir une mise en scène et un texte. La démarche des Cartoun Sardines n'est pas encore très répandue dans les arts du spectacles. Patrick Ponce reconnaît d'ailleurs bien volontiers que théâtre et cinéma sont très différents voire hermétiques, «certains puristes du cinéma ont du mal à accepter qu'un film soit remanié par d'autres artistes». Pourtant, il aime cette relation intime, affective et émouvante avec des comédiens projetés sur une toile. Comme un bal entre les vivants et les morts.Lulu
Au Théâtre Nouvelle Génération, mardi 24 et mercredi 25 mars.
Mots clefs :