Temps orageux
L'odeur de l'herbe après l'orage. D'emblée, des projections sur les murs et une toile peinte figurent la forêt dans laquelle se terrent les personnages d'Oncle Vania ; les artifices classiques du théâtre donnent la sensation d'être au cœur de la Russie à la charnière du XIXe et du XXe siècles. Claudia Stavisky a consciencieusement mis en place un dispositif fidèle à Tchekhov, sobre, dépouillé et explicite : du gravier pour figurer le dehors, un plancher en bois impeccable pour la maison où se cachent et s'affrontent les solitudes misanthropes. Plus que la mise en scène trop lisse pour être émouvante, ce qui touche ici, ce sont les acteurs. Leur talent n'est certes plus à démontrer, mais leur justesse mérite encore d'être soulignée. Philippe Torreton est un écologiste avant-gardiste et amer, amoureux d'une Élena / Marie Bunel à la droiture glaciale. Le moins attendu de cette distribution est Vania, campé par Didier Bénureau, remplaçant de Jean-Pierre Bacri forfait. Loin de ses one-man-show, il incarne les fissures de celui qui s'est donné sans compter pour son beau-frère sans en être remercié et s'aperçoit qu'il s'est oublié en chemin. Pris de convulsions, tordant son corps comme un animal blessé, Vania est la pièce angulaire de cette tragédie où chacun n'a fait qu'enlaidir l'autre et rêve de réécrire son destin. Pour tenir debout, le Dr Astrov grommelle comme le Clint Eastwood magnétique de Gran Torino. Dans ce travail impeccable quoique froid, Claudia Stavisky rend hommage à l'écrivain russe en tentant de toutes ses forces de donner du souffle aux personnages : en les faisant vivre, elle applique la véritable sentence tchekhovienne. Nadja Pobel
Oncle VaniaAux Célestins, jusqu'au 26 juin.