Les feuilles d'automne
Livres / Des valeurs sûres, des confirmations et des nouveaux venus prometteurs. Petit tour d'horizon des écrivains rhônalpins qui parviennent à émerger dans une rentrée littéraire où l'on retrouve de nouveau plus de 600 romans publiés. Yann Nicol

Plus ténu, le livre de Noémie Lefebvre (L'Autoportrait bleu) est aussi une bonne surprise. Il met en scène les pensées multiples d'une jeune femme de retour d'Allemagne qui, le temps d'un voyage en avion, va égrener ses souvenirs et ses « réminiscences ». Assumant l'héritage d'un auteur comme Thomas Bernhard, ce monologue intérieur parvient pourtant à sortir du classique « courant de conscience » en ouvrant la parole et en affirmant un véritable univers où se superposent des thèmes divers : l'oppression sociale et familiale, les amours folles (et mortes ?), la musique, la littérature et le sexe. On ne peut être qu'admiratif devant une jeune écrivain qui parvient donc à écrire un premier roman à la noirceur typiquement Bernhardienne tout en y insufflant une vitalité contagieuse. Alors que l'on célèbre les 20 ans de la chute du Mur de Berlin, on constate d'ailleurs que l'Allemagne est au cœur de nombreux romans de la rentrée, dont celui, très réussi, de Brigitte Giraud, dont on vous parle plus en détail ci-contre. Cette dernière fait figure de grande sœur, au même titre que d'autres auteurs publiés cet automne que les lecteurs fidèles retrouveront avec plaisir. Parmi eux, citons Pierre Péju et La diagonale du vide (Gallimard), dans lequel l'auteur de La Petite chartreuse met en scène la quête intérieure d'un designer qui décide de tout plaquer pour entamer une nouvelle vie dans la montagne ardéchoise, mais aussi Jacques A. Bertrand (Les autres, c'est rien que des sales types / Julliard), dont l'humour n'a pas pris une ride, Franck Pavloff (Le Grand Exil / Albin Michel), Ananda Devi (Le Sari vert / Gallimard), Pierre Charras (Le Requiem de Franz / Mercure de France) ou Robert Alexis, qui poursuit avec U.Boot (chez Corti) une œuvre inclassable, entre classicisme de la langue et audace des sujets. Notons enfin que les éditeurs de la région se jettent dans la bataille de la rentrée avec beaucoup d'originalité : pour preuve, le nouveau livre d'Antoine Choplin (Apnées, à La fosse aux ours), entre réflexion sur la mémoire et jeu sur le langage et l'objet littéraire non identifié publié par Champ Vallon : Déluge, de Luc Boltanski, est un opéra illustré par des planches issues des comics américains de l'après guerre dans lequel le sociologue met en scène le devenir de l'homme sur la planète. Ce n'est sans doute pas avec cela qu'ils entreront dans les meilleures ventes de la rentrée, mais le moins que l'on puisse dire est qu'ils ne manquent ni d'audace, ni de convictions...