Est-ce bien raisonnable ?

Photo : Cécile Hartmann série Player
Exposition / Tracer au cordeau, épurer, géométriser les formes... À force d'abstraction et de raison, il est amusant de constater que les artistes (et les scientifiques aussi) en viennent à basculer dans le pays des rêves, avec leurs figures improbables «plus vraies que nature». La très belle exposition «de rêve et de raison» rassemble quatre artistes qui, d'une manière ou d'une autre, poursuivent les recherches de leurs aînés sur la représentation de l'espace et des objets. Sylvie Pic a d'ailleurs travaillé sur le fonds ancien de la bibliothèque (Robert Fludd ou Albrecht Dürer dont on découvre par exemple quelques gravures) et présente de séduisants dessins de figures topologiques : tores, sphères, polyèdres... Dans un esprit plus alambiqué, on découvre une série de photographies du célèbre Gerhard Richter représentant des volumes de bois déjouant la logique de la perspective. Mais c'est surtout Cécile Hartmann et Raphaël Zarka qui impressionnent et versent dans l'étrangeté. La première met en scène un personnage caché sous sa capuche face à un écran luminescent et environné d'un noir opaque. Les photographies ressemblent à des peintures et l'artiste est parvenue à abstraire le rapport homme-machine et à le métamorphoser en une véritable énigme ou expérience quasi mystique. Raphaël Zarka, quant à lui, «glane» des formes géométriques en béton dans la nature ou aux abords des villes (pistes de skate, escaliers entassés, pont en construction...) qu'il isole dans ses images. Disjointes de leur banale fonctionnalité (parce que abandonnées ou en cours de construction), ces «sculptures» nées du cerveau des ingénieurs les plus sérieux, se muent ici en objets tout à la fois beaux, étranges et un peu angoissants... Jean-Emmanuel DenaveDe rêve et de raisonÀ la Bibliothèque municipale de la Part-Dieu jusqu'au 12 décembre.