Chasse inquiète
L'installation plastique de la jeune artiste Angelika Markul mérite un détour curieux. Car la force noire de son travail et sa parenté avec le cinéma réjouissent et interrogent. Laetitia Giry

La jeune polonaise, avant d'être plasticienne, est une vidéaste acharnée. Son goût revendiqué pour David Lynch est patent, conférant à l'ensemble une aura cinématographique et mystérieuse. La bande son "à l'envers" de la vidéo Trophée de chasse (diffusée en boucle dans un grand cube blanc) n'est pas sans rappeler l'intervention régulière du nain dans la série Twin Peaks. Traque monotone d'un diable de Tasmanie filmée depuis une voiture à la seule lumière des phares, l'œuvre distille l'étrange et la confusion : l'animal meurt à petit feu, fuit pour mieux s'essouffler dans une métaphore tragiquement humaine. En marge de la vidéo, les installations occupent l'espace à la manière d'un décor de cinéma. La caméra grogne de n'être pas là , la scène attend sa captation en vain. Trois tableaux délimités par de grands cadres debout au sol - dont la transparence flouée vient nier le relief du décor qui s'épanouit à l'arrière dans un espace confortable - peuvent s'apprécier dans une multiplicité de regards. A travers le cadre, comme un tableau ou un plan de film, ou en le contournant, depuis les côtés. S'entame alors la déconstruction de l'image - la matière se dépliant, le décor mis à nu trahissant le cadre final. Sur ce simulacre de plateau, lumières stroboscopiques, néons et spots rendent l'approche des œuvres plus énigmatique à la nuit tombante, quand le déploiement de leurs artifices tisse les frontières de l'inquiétude, prégnante.Devil T Hunt
Jusqu'au 12 décembre, à l'Espace Vallès