Magali et les garçons
Expo / Première exposition à Lyon de Magali Reus qui «sculpte» de beaux garçons et quelques matériaux abstraits, jouant ainsi de leur possible confusion...Jean-Emmanuel Denave

Photo : Magali Reus
«J'adore être une femme et produire des œuvres masculines, je ne m'imagine pas produire des sculptures délicates en porcelaine, si c'est ce que les gens considèrent comme féminin. Ce n'est pas ce qui m'intéresse», déclare Magali Reus, jeune artiste néerlandaise. Malgré son aversion pour la porcelaine et les poncifs féminins, l'artiste (à travers ses oeuvres) sera quand même restée deux mois enfermée à la Salle de bains (!), petit centre d'art considéré par beaucoup comme à la pointe de la création contemporaine... Nous y découvrons d'abord une sorte d'anneau posé au sol à l'angle d'un mur, beaucoup trop grand pour être une bague perdue par un visiteur, mais de bonne dimension pour constituer ce que l'artiste désigne comme une «sculpture générique», soit une sculpture qui attend encore qu'on lui donne du sens, qu'on la spécifie... Plus loin, deux grilles en fer blanc sont accrochées à une cimaise, génériques et esseulées, percées d'une multiplicité de petites ouvertures ovoïdes bien alignées. On découvre encore deux grandes planches vertes suspendues au-dessus du sol grâce à une structure en acier, des morceaux de caoutchouc tordus abandonnés par terre et une peinture abstraite en vert de camouflage...Engagez-vous !Sommes-nous ici dans l'univers d'une artiste minimaliste ayant un goût prononcé pour la couleur verte et les matériaux usinés ? Pas vraiment, pas seulement, car le cœur de l'exposition se situe en fin de parcours, dans une petite salle où est projetée une vidéo intitulée «Background». Au milieu d'un faux désert (un chantier d'autoroute ?), Magali Reus met en scène et filme six beaux gaillards en tenue paramilitaire qui, tour à tour, courent au fil de grosses flaques d'eau, s'exercent à toutes sortes de combats, exécutent des pompes... Ils sont capables aussi soulever à cinq une grande barre de métal sur laquelle le sixième fait des tractions, ou bien l'ériger à la verticale comme un drapeau américain sur une île japonaise tandis que l'un d'eux s'y hisse à bout de bras. Ces scènes oscillant entre l'entraînement militaire et la chorégraphie sont entrecoupées d'inserts en plans fixes sur des objets divers (proches de ceux exposés dans la galerie), des reflets de soleil, trois paires de fesses paramilitaires, le mouvement du sable mû par le vent... Ces sept minutes vidéo rythmées et absurdes sont assez agréables à regarder. L'artiste insiste sur le fait que ses personnages sont avant tout des sculptures, et parle de ses hommes-sculptures comme «attendant des instructions». Le désir et le sens resteront donc en suspens, ouverts aux interprétations du spectateur.Magali Reus, Background
À la Salle de bains jusqu'au 16 janvier.