Ombre et ennui

Lundi 18 janvier 2010

Théâtre / Peut-être que l'on demande beaucoup aux spectacles unanimement loués par la critique et la profession. Toujours est-il que «La Petite Catherine de Heilbronn» de Kleist, montée par André Engel, ne répond pas aux attentes suscitées par cet engouement. Certes, la mise en scène révèle bien des qualités et la débauche de moyens mis en œuvre n'est pas vaine. L'impressionnant décor reproduisant d'immenses ruines en mouvement perpétuel donne à la pièce des allures de classique du cinéma. L'excellent casting permet quelques fulgurances (notamment la scène très inspirée «Fiancée de Frankestien», absolument géniale). Mais le choix de laisser les protagonistes dans une pénombre envahie d'une épaisse brume (la lumière ne se fait qu'à de rares moments où la vérité éclate) s'avère vite extrêmement pénible pour l'œil. Si l'on ajoute à cela la lenteur de la première partie et l'intrigue même de la pièce (une jeune fille d'origine modeste tombe éperdument amoureuse d'un comte qu'un rêve lui a désigné comme futur mari et décide de le suivre comme une ombre en dépit de ses protestations), il faut bien conclure que l'on s'ennuie ferme face à cette «Petite Catherine». Le coup de théâtre final, en voulant rendre plus «crédible» cette histoire rocambolesque, ne fait que renforcer un sentiment fort qui assaille le spectateur dès le début de la pièce : cette «Petite Catherine», aussi belle soit-elle, n'a plus rien à nous dire aujourd'hui. Et André Engel a eu beau gommer toutes les références spécifiques à l'époque à laquelle la pièce a été écrite, cela reste daté, terriblement daté. Catherine glisse sur le spectateur, en n'y laissant aucune empreinte. Dorotée AznarLa Petite Catherine de Heilbronn
Au Studio 24 jusqu'au 24 janvier.