Éloges de la lenteur
Danse / Deux très grands rendez-vous chorégraphiques cette semaine : "Turba" de Maguy Marin et "Kinkan Shonen" de la Cie Sankai Juku. Deux pièces qui, chacune dans son style, dilatent le temps et remontent aux origines du monde...Jean-Emmanuel Denave

Si Maguy Marin s'inspire de l'antiquité latine pour mieux (é)mouvoir nos consciences, Ushio Amagatsu plonge, lui, littéralement parmi les origines aquatiques et antédiluviennes du monde vivant ! Kinkan Shonen («Graine de Cumquat», créée en 1978 et remontée en 2005) est une pièce emblématique du mouvement japonais butô, né dans les années 1960 d'une réflexion sur le désastre de la Seconde Guerre mondiale et d'un refus de la notion de modernité. Danse lente et hypnotique, le butô fouille les archaïsmes enfouis dans les corps, casse les règles morales par ses saillies violentes ou érotiques, imite les métamorphoses physiologiques présentes dans la nature... À travers sept tableaux, tous plus fascinants les uns que les autres, Amagatsu nous entraîne dans une sorte de «trip» cérémonial, avec une demi douzaine de danseurs aux crânes rasés et couverts de poudre blanche. Un rituel baignant dans la pénombre et aux significations inconnues qui charrie avec lui des déplacements infiniment lents et sous tension, des grimaces expressionnistes et des soubresauts électriques, des musiques étonnamment hétéroclites (de l'électronique répétitive au jazz et aux marches folkloriques), des danses incantatoires ou encore un duo fameux avec un paon vivant... Une expérience rare et forte.Maguy Marin, Turba, les 2 et 3 février au Toboggan à Décines.Cie Sankai Juku, Kinkan Shonen, du 27 janvier au 2 février à la Maison de la Danse.