Remplacer l'objet

Vendredi 12 février 2010

L'hommage rendu à Otto Freundlich par le Musée Géo-Charles possède les moyens de ses ambitions. Les nombreuses toiles exposées ont la grâce enchanteresse des chefs-d'oeuvre, avec en plus le charme de rendre visible une page d'histoire.Laetitia Giry

Si le titre est peu glamour, le peintre présenté nous apparaît aujourd'hui comme une figure essentielle de la révolution picturale du début du XXème siècle. Bien que très au fait des diverses avant-gardes ayant constitué son époque, il a évolué en marge de tout mouvement et reste de ce fait injustement méconnu: cubisme et abstraction ne parlent ainsi de son œuvre que de manière légèrement usurpée. Il est pourtant l'un des premiers à prôner les valeurs de déconstruction de l'image comme haut fait de la création, à considérer la ligne et la forme comme essences de la peinture. En 1932, il affirme que « nous avons effacé de notre concept pictural la représentation de l'homme et de l'objet, de la perspective de la renaissance et de l'illusion plastique, car ces valeurs sont aujourd'hui la cause d'un bâillonnement et d'une castration spirituelle consciente ». Une accolade embrassant avec bonheur « l'efficacité des formes pures » dont parlait Kandinsky et la liberté inhérente et nécessaire à la novation artistique.Sa majesté la couleur
« Le domaine des couleurs recèle à lui seul une inépuisable recherche de possibilités. Elles ne déploient leur être qu'une fois posées dans la bidimensionnalité de la surface ». La fascination manifeste d'Otto Freundlich pour la couleur ne va pas sans la jouissance de la formation du tableau, la vénération de la toile comme ouverture du champ des possibles. « Le mystère du mouvement, le mystère de l'espace est caché dans la couleur », et se révèle par l'entremise du travail des formes, dans leur harmonieux agencement. Ses « Rosaces » hypnotiques captivent par le paradoxe qu'elles incarnent : brutes et douces, généreuses et parfois glaciales. De ses gravures noires à l'élégance étourdissante, comme de ses imposants tableaux colorés émanent invariablement une harmonie logique, un chaos intégré dans un monde construit, élaboré sur un mode scientifique. Car ses œuvres ne sont pas seulement le fruit d'un œil de génie, mais également celui de réflexions poussées sur l'objet-peinture. Quand Richter (vu l'an passé au Musée de Grenoble) affirme, non sans une ironique désinvolture, que « la figure non-figurative est plus simple, [qu'] il suffit de coucher la couleur sur un bout de papier », il touche au cœur du problème : l'entreprise a l'air aisée, la spontanéité parfaite. Le même de préciser « Apparemment en toute liberté. ». Apparemment. L'œuvre de Freundlich en est une démonstration des plus dignes.Hommage à Otto Freundlich
Jusqu'au 30 mai, au Musée Géo-Charles