Bateau pirate
Musique / On ignore ce qui pousse comme herbes ou comme légumes sous la pluie abondante de Portland, qui nourrissent tant le talent. Mais le fait est que s'y joue depuis plusieurs années une part importante de ce qui constitue l'avant-garde indépendante du moment. Pas une semaine ne se passe sans qu'on y découvre une nouvelle perle, souvent de pluie, rapport au climat et à l'ambiance. Et, comme dans le cas de Yacht, rarement bling-bling, malgré ce nom fausse-piste qui énonce en réalité une profession de foi : Yacht comme «Young Americans Challenging High Technology». Tripatouilleur de génie, Jonathan Bechtolt, l'homme aux commandes de ce binôme complété par Claire Evans, est une sorte de rejeton surdoué d'Architecture in Helsinki et LCD Soundsystem, de Hot Chip et Animal Collective. En fait une sorte d'alchimiste qui absorbe tout ce qui lui passe entre et par les oreilles pour le faire ressortir en une sorte d'émulsion électro-pop qui rêverait secrètement de transformer les geeks en «flashdancers». Le résultat, passé au mixer d'une certaine folie musicale et d'un talent de producteur hors-norme, est pour le moins bluffant : en apparence, moins œuvre personnelle (et pourtant...) que compilation déglinguée ou inventaire à la Prévert, la musique de Jona Bechtolt est surtout comme un trésor de pirate, un véhicule de contrebande que le recéleur maquille avec expertise pour le refourguer, plus neuf que neuf. Un sacerdoce de flibuste puisque l'homme prend un malin plaisir à pirater les logiciels avec lesquels il travaille. Un pirate en Yacht, voilà quelqu'un de son époque. Un pirate de l'ère. SD
YachtÀ la Marquise, mardi 13 avril.