Désirs d'utopies

Photo : Guillaume Linard-Osorio
Expo / Des «plans d'évasion» de Michel François au «champ des possibles» de Guillaume Linard-Osorio, il y a comme quelques connexions souterraines, celles d'œuvres d'art creusant les potentialités des choses et des matières, ouvrant des chemins multiples et indéterminés, questionnant les notions de normes et de limites. Chez Guillaume Linard-Osorio cependant, le «champ des possibles» s'applique surtout aux domaines de l'architecture et de l'urbanisme, aux projets plus ou moins utopiques de l'habitat. L'œuvre qui donne son titre à l'exposition est une installation avec, à droite, cinq tas de matériaux bruts (minerai de fer, charbon, argile, calcaire et sable ; soit les principaux matériaux des chantiers du bâtiment), et, à gauche, plusieurs imprimés administratifs et formulaires de permis de construire. Entre les deux, le visiteur déambule sur le frêle chemin des possibles entre l'informe (quoique mesuré lui-aussi, puisque chaque tas fait 500 kilogrammes exactement et représente un matériau «normal» de l'univers architectural occidental) et les normes très précises et contraignantes de l'administration... Au sous-sol de la galerie, dans l'obscurité, on découvre des images de surveillance vidéo, brouillées parfois, et accompagnées d'une sorte de bruit de fond sourd et angoissant (un «drone» reconnaîtront les spécialistes). Ce dispositif inquiétant est en réalité composé d'images filmées lors d'un salon de l'immobilier («une expérience traumatisante» pour l'artiste) où des promoteurs présentent des appartements sous forme de maquettes. Un projet «gagnant», un «projet de ville parfaite», et donc d'autant plus angoissant. Dans une autre salle, elle aussi plongée dans le noir, l'artiste présente a contrario une sorte de ville utopique constituée de différentes maquettes de projets architecturaux avortés. La «ville» n'apparaît que par ombres, reflets phosphorescents, elle semble se mouvoir et flotter de manière fantomatique. Le possible oscille ici entre cauchemar et rêve, imaginaire et contrainte... JEDGuillaume Linard-Osorio, «Le Champ des possibles»À la galerie Roger Tator, jusqu'au mercredi 30 juin.