La nuit nous appartient
Bien que disposant d'un espace assez sommaire, les Moulins de Villancourt font preuve d'une vivacité et d'une curiosité artistiques fort sympathiques. La preuve avec Blux. LG

Derrière la syllabe Blux se cache un artiste, architecte, designer et scénographe grenoblois qui met à profit ses différentes compétences pour élaborer un travail sur la perception nocturne du paysage urbain. Ses installations sont ainsi des dispositifs lumineux dont l'intérêt réside de fait dans une confrontation sensible. Premier étonnement à l'entrée dans l'exposition : pas d'éclairage habituel, mais une obscurité décorée de lueurs aperçues plus loin. La première installation - labyrinthique bien que réduite en terme de surface - est constituée d'une multitude de petits phares blancs et rouges dessinant une toile, se répandant dans un ordre incertain, escaladant le mur de manière inquiétante. De l'hystérique construction de lego à l'invasion d'insectes, les images se bousculent pour exprimer la prise au piège. Car le spectateur se retrouve comme dans une impasse, au fond d'une ruelle la nuit, ressentant les conditions de la crainte et le danger urbain par une subtile mise en espace.
Traque lumineuse
La principale coupable de l'efficacité de cette mise en scène est bel et bien la matière lumière : la traque est orchestrée par une lampe rouge posée au sol, balayant inlassablement l'espace et créant un simulacre d'ambiance policière. Le spectateur est pointé du doigt dans un silence troublé uniquement par la rotation de la lampe et le léger clic d'un projecteur - au rythme d'un flash par seconde - composant une pesanteur qui confine au harcèlement. Pas de méprise ici, l'on dit cela avec un enthousiasme certain. Le traitement des sources lumineuses - ultra sensitif, agressif, épileptique - crée l'œuvre dans le mouvement de l'imagination secouée plus qu'appelée, convoquée par la force des sens. Un ordre se disloque, le chaos reprend ses droits, l'insaisissable se crée une chrysalide sensorielle. Cette représentation paroxystique de l'environnement citadin laisse place au calme olympien de l'intérieur avec une série de cubes de plexiglas aux variations de couleur incessantes et doucement poétiques. Des objets qui se rapprochent plus de pratiques purement design, rejoignant une réflexion sur le bien-être qui vient trancher avec la sauvagerie de la rue, se plaisant dans une impression de cocon par de simples formes et une ambiance légère représentant l'esthétique en mouvement d'un paysage intérieur flexible. Et l'ensemble d'évoquer donc un clair-obscur revisité dans la recherche des sensations : un point de vue éminemment contemporain que l'on ne saurait trop vous conseiller. TRAFFIC lights & Signs
Jusqu'au 7 mai, aux Moulins de Villancourt