L'insoutenable légèreté de Air

Vendredi 4 juin 2010

Électro / Dans ce monde rock'n'roll où il faut toujours aller plus vite, frapper plus fort, il peut faire bon retrouver Air, le temps d'une pause en apesanteur... Comme pour ce troisième concert qu'ils s'apprêtent à donner au Transbordeur.Stéphanie Lopez

Nuits de Fourvière, été 2007. Air enchaîne pépère les plages volatiles de Pocket Symphony. Sur le devant de la scène, Nicolas Godin et Jean-Benoît Dunckel, tout de blanc vêtus, irradient sous les tubes phosphorescents, tandis que les excellents musiciens qui les accompagnent restent dans l'ombre. Pire, ils ne sont même pas présentés, les deux Versaillais s'accaparant toute la lumière et les applaudissements. On pense au Roi Soleil quand on les voit figés dans cette altière arrogance, on aimerait que les deux dandys soient aussi prodigues que leurs mélodies. Ce soir-là, leur suffisance agace autant que leur musique enthousiasme ; les mains qui font clap-clap pourraient tout aussi bien leur foutre une paire de claques. Pourtant si on fait tomber le masque, Dunckel et Godin ne sont pas forcément ces insupportables bobos confits dans leur confortable assurance. Comme souvent chez les artistes un peu lunaires, ce qui passe pour de l'arrogance est en fait de la timidité. On se souvient d'une rencontre furtive avec Jean-Benoît, dans les coulisses du Transbordeur, alors qu'Air s'apprêtait à donner le premier concert de la tournée "Talkie Walkie" sur le sol français. L'ex-prof de maths pétri par le trac confiait alors : «C'est toujours plus flippant pour nous de jouer en France. Ici, le voile de frenchies derrière lequel on se planque à l'étranger est levé. On a plus que la musique pour nous protéger.»Dark Side Of The Moog
Résultat : Air sur scène ne donne pas trop dans l'échange, ni dans la déconne. Comme un ultime rempart pour se protéger du public, le duo se retranche en tournée derrière un arsenal de claviers, Rhodes, vieux Moog et autres volumineux synthés, sur lesquels rien n'est programmé à l'avance. Chaque son, chaque note est donc jouée live, contraignant les deux Space Maker à rester vissés derrière leurs machines. Il en ressort des lives authentiques, certes, mais limite autistes, et forcément statiques. Pourtant derrière leur image souvent lisse et proprette de dandys esthètes, les deux Sexy Boys sont bien moins mièvres qu'ils en ont l'Air. Il suffit de gratter sous le vernis pour entendre sur "Love 2", leur dernier album, des trésors de trouble, de vice et de noirceur. «Je revendique un côté sale, malsain», nous disait Dunckel à l'époque de "Talkie Walkie". Aujourd'hui, la même voix androgyne qui chantait "Lucky & Unhappy" raconte sur "Missing The Light Of The Day" l'histoire d'une dégringolade, la déchéance du clubber qui ne voit plus le jour. Et d'ajouter : «C'est un danger qui nous guette». AIR, acronyme d'Amour, Imagination et Rêve, serait-il aussi victime de l'insoutenable légèreté de l'être ?AIR
Au Transbordeur, dimanche 13 juin.
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