Les joies du court

Jeudi 10 juin 2010

Une fois n'est pas coutume, le 102 s'apprête à nous en mettre plein les mirettes avec une soirée de diffusion de moult courts expérimentaux (dont le programme complet a été patiemment, et avec amour, décliné par nos soins ci-dessous). Ces petits bijoux gagnent sans doute à être visionnés sur grand écran, dans l'écrin qu'ils méritent. Mais déjà dans la petite lucarne numérique, ils révèlent leurs beautés hypnotiques, leur travail sur la matière et le regard, thématiques cinématographiques par excellence. Au vu des bribes auxquelles on a eu droit, on peut certifier une chose : se cache là le sentiment de toucher à quelque chose qui relèverait de l'essence artistique, méconsidérant le plan pour mieux transcender l'effusion d'images, jouer avec ces dernières comme avec une faille de la réalité, livrer un regard disloqué voué à réveiller l'imagination anesthésiée du spectateur. Rien que ça. Preuve en est le « Spacy » de Takashi Ito (photo), mise en abyme structurée d'un gymnase dont l'espace s'engouffre dans ses propres interstices, fictives et pourtant fil conducteur d'un regard en proie à un vertige allant croissant. Les bleutés se muent en un défilé stroboscopique pour un final aux couleurs chaudes et agressives : la bande parle un langage franc et jouissif. « Berlin Horse » de Malcolm Le Grise sème le trouble dans une ronde fort confortable, berce l'oreille pour mieux tromper la naïveté du regard : le cheval noir défilant joyeusement se transforme en cheval blanc nettement plus naturel, la responsabilité revenant aux allers-retours entre les négatif et positif de la pellicule. Si l'on n'a pas pu voir le « Line describing a cone » de Anthony Mc Call, il nous ferait pourtant - à lui tout seul - aller jeter un œil au tout : destiné à être diffusé dans une galerie plutôt qu'une salle de cinéma, il se fait « cône de lumière qui sort de l'objectif du projecteur, dans l'espace de la galerie, une sculpture de lumière autour et à l'intérieur de laquelle les spectateurs sont invités à circuler ». Fichtre, que c'est encourageant ! « L'évènement cinématographique n'est plus dans les images projetées : il est la projection elle-même. » Une notion ô combien importante appelant aux recherches les plus réjouissantes, dont les années 70 fourmillaient manifestement déjà.
Laetitia GirySéance de courts-métrages expérimentaux
Le samedi 12 juin à 19h30, au 102
    Programme :
    « Line describing a cone » de Anthony Mc Call (1973, 16mm, 30')
    « Spacy » de Takashi Ito (1981, 16mm, 9')
    « Spirit Matters » de Peter Rose (1984, 16mm, 6')
    « Bois charbons » de Robert Short (1956-1968, mini DV, 11')
    « Newsprint » de Guy Sherwin (1972, 16mm, 5')
    « Poemfield » de Stan Vanderbeek (1971, 16mm, 6')
    « Berlin Horse » de Malcolm Le Grise (1970, 16mm, 9')