Matt Mullican ou l'hermétisme
L'Institut d'art contemporain ouvre ses espaces d'exposition à Matt Mullican qui, quant à lui, s'enferme dans une cosmologie artistique aussi touffue qu'incompréhensible...Jean-Emmanuel Denave

Photo : Blaise Adilon
Souvent, nous luttons dans ces colonnes contre les idées toutes faites sur l'art contemporain : l'art contemporain, on n'y comprend rien, c'est moche, c'est facile à faire, ça se regarde le nombril et ça ne parle pas du monde qui l'entoure, etc.. Et puis, là, coup sur coup, des musées et des centres d'art nous ont concocté des expositions qui sont de véritables caricatures de ce que l'on reproche, d'habitude bêtement, à «l'art contemporain». Citons rapidement : le grand raout autour de l'œuvre creuse de Ben au Musée d'art contemporain ; les deux dernières expositions collectives de la BF15 («Réalités confondues») et de la Salle de bains («La Diagonale du vide»), où l'œuvre à imaginer soi-même le disputait au : plus c'est maigre plastiquement, plus ça va vous nourrir et vous stimuler intellectuellement ! Mais le pompon revient à la nouvelle exposition monographique consacrée à Matt Mullican à l'Institut d'art contemporain. L'artiste est né en 1951 à Santa-Monica aux États-Unis, c'est une force de la nature et son curriculum vitae est bardé des meilleures références : des expositions partout dans le monde et plusieurs participations à la fameuse Documenta de Cassel en Allemagne... Jusqu'ici tout va bien.L'œuvre au noir completLes choses se compliquent nettement à la découverte de son œuvre prolifique, saturée même et, disons-le d'emblée, indigeste et impénétrable. Quelque 1300 pièces (soit plus que Ben lui-même au MAC !) sont exposées à l'IAC : dessins, photographies, pages manuscrites, images numériques, vidéos, carnets préparatoires, sculptures... Le musée littéralement déborde, les cimaises dégoulinent. Il faut dire que l'artiste se donne pour but de constituer une nouvelle cosmologie et de cartographier à nouveaux frais la totalité du monde et de la réalité....! Il utilise pour cela tout un fatras de signes signalétiques de son invention, de codes de couleurs symboliques, de formes idiomatiques, qu'il décline d'oeuvre en oeuvre pour nous décrypter la genèse et le fonctionnement du monde... L'exposition débute d'ailleurs avec une immense toile posée au sol, représentant en résumé toutes les strates de la réalité (des villes modernes au big-bang, en passant par différentes organisations sociales). C'est aussi incompréhensible et ennuyeux qu'une représentation de l'univers par quelque astrologue ou alchimiste aux neurones grillés au soufre. Et tout le reste de l'exposition se joue sur le même mode ésotérique et illuminé. La seule personne capable de comprendre Matt Mullican est sans doute Matt Mullican lui-même...Matt Mullican, «12 by 2»
À l'Institut d'art contemporain de Villeurbanne jusqu'au 29 août.