Vos papiers s'il vous plaît
Les portraits miniatures exposés chez Ka & Nao intriguent d'une bien étrange manière. Disposés les uns à côté des autres, dans une harmonie froide et ordonnée, ils se déclinent comme autant de visages sans identité sur fonds colorés. Esthétiquement réalistes et peu flatteurs, ils donnent l'impression d'une sorte de défilé funèbre. Peut-être est-ce notre imagination, mais l'on pourrait se croire dans un couloir où l'on dépose les urnes contenant les cendres des défunts, cet endroit sans vie plein de souvenirs, de traces de matières, mais voué à être complètement inanimé. Si l'ombre du cimetière guette ainsi, c'est que, tableau après tableau, le même regard scrute le visiteur : triste et impénétrable. Le titre de l'exposition, « Un spécimen transparent », nous oriente vers une interprétation tenant à l'invulnérabilité de l'objectivité photographique, conjuguée à l'impermanence subjective du pinceau. La galerie de portraits se ferait ainsi transparence de la perception de l'artiste, lequel tisserait une œuvre infiniment variable dans ses sujets, mais terriblement inchangée dans la fatalité ressentie par chacun. Son regard s'imposerait donc comme un révélateur à l'acuité imparable, un objectif d'appareil photographique calé sur la fréquence d'une humanité désabusée. L'apparente rugosité des traits de peinture associée à l'accumulation de couleurs ternes pourrait faire fuir l'œil pressé : ce serait dommage car, une fois apprivoisée, cette œuvre s'apprécie avec un sentiment de familiarité déroutant. LG
Un spécimen transparentJusqu'au 24 décembre à la Galerie Ka & Nao.