Opéra / Partant du principe que les lecteurs de bande dessinée connaissent l'opéra par Tintin et sa fameuse Bianca Castafiore et que le mélomane connaît la BD par l'air des bijoux interprété par la même Bianca, Sébastien d'Hérin recrée un Didon surprenant.Pascale Clavel
Sébastien d'Hérin est un jeune chef d'orchestre aux allures souples. Mais attention, sous la chevelure ondulée bouillonne un véritable baroqueux, un talentueux claveciniste, un musicologue averti. Son Didon - opéra tendance Bande Dessinée - est né tout simplement de belles rencontres. S'il adore surprendre sans en avoir l'air, déranger sans trop le dire, il mélange les genres avec subtilité et réussit, avec son ensemble Les Nouveaux Caractères, ce pari insensé de réunir sur scène des univers incroyablement éloignés. «Didon de Purcell est l'œuvre parfaite pour ce mélange de genres, parce que son univers est varié et coloré, parce que c'est un opéra court et rythmé». La graphiste et scénariste, Florence Dupré Latour, auteur de cinq bandes dessinés aux ambiances noires et décalées, a conçu les planches qui soutiennent l'œuvre. Le dessin imaginé est assez surprenant, le type de trait semble parfois très éloigné du rythme de la partition de Purcell. Par ailleurs, il existe de vrais points de rencontre où musique et dessin offrent des ambiances colorées, chaudes et contrastées. «Il y avait danger énorme de paraphrase entre ce que qu'expriment les chanteurs et la BD, il y a donc tout un aspect de la BD qui permet de s'éloigner de ce qui est dit dans le livret et à la fois, elle éclaire certains pans de l'histoire». Sébastien d'Hérin se veut pédagogue, peut-être par peur d'être incompris : «dans ce spectacle, plus aucun problème de sous-titres puisque les bulles servent à donner la traduction. Les planches s'enchaînent, les chanteurs font l'effort de se glisser dans la bande dessinée». Fulgurances Une rencontre, un pacte d'amour, un désespoir, des rebondissements, tous les ingrédients sont réunis pour qu'en une heure à peine nous soyons pris par l'intrigue. Très inspirée de Virgile, l'action se déroule à Carthage. La reine Didon tombe éperdument amoureuse d'Enée, prince de Troie. Des esprits maléfiques rappellent à Enée son devoir : il doit partir pour fonder Rome. Décision qui conduira Didon à la mort. Quant à Enée, il accomplira sa mission. Ce court opéra de Purcell est un bijou d'écriture. Des airs suaves et tendres qui renversent les mélomanes les plus insensibles, des danses d'une réjouissance extrême, des chœurs d'une puissance émotionnelle rare, une pâte orchestrale parfaite. Enée s'en retourne à sa conquête du vaste monde et nous, on reste avec Didon qui se meurt et on chante avec elle : When I am laid in earth...Didon et Enée Au Théâtre de la Renaissance (Oullins) Jeudi 17 février