Libérateur d'espaces

par JED
Jeudi 10 mars 2011

Expo / Le jeune autrichien Hans Schabus chamboule l'Institut d'Art Contemporain et présente, pour la première fois en France, une exposition de grande envergure, électrique et passionnante.Jean-Emmanuel Denave

Photo : Hans Schabus, Meterriss, 2011 © Blaise Adilon

Les artistes modernes se sont confrontés à la matérialité même de la toile, des pigments, du marbre pour en tirer des forces, des formes, des blocs de sensations. Hans Schabus, lui, se donne pour matériau de création l'espace d'un musée ! Travaillant sa configuration spatiale, ses colonnes d'air, son architecture, ses vides et ses pleins. Il a par exemple enserré le cœur du bâtiment de l'IAC avec une chaîne métallique de 75 mètres de long dont la tension a provoqué ici et là des failles dans le plâtre, ailleurs un effondrement des faux murs. L'espace est simultanément révélé et entravé, mis sous une grande tension mentale et physique. Dans un geste à la fois simple et tonitruant, caractéristique du travail de l'artiste. Plus simple encore, Schabus note sur une petite plaque le poids total de l'air présent à l'intérieur de l'IAC, presque six tonnes (!), et intitule de manière tautologique cette œuvre minimaliste : «IAC». Voilà avec quoi travaille l'artiste : six tonnes d'air intangibles et potentiellement écrasantes ! Voilà à travers quoi, nous visiteurs, aurons à trouver notre chemin, quelques lignes de fuite, quelques sensations, un peu de sens...Échappatoires
Car à cette dimension matérielle de l'espace, Schabus ajoute très vite une dimension existentialiste et sociale. L'espace du musée n'est pas seulement un espace de jeux formels, un volume à sculpter, mais une architecture signifiante, un dispositif quasi Foucaldien où s'activent implicitement un ensemble de règles et de contraintes (codes de conduite, sens interdits...). L'artiste nous met en situation d'expérimenter les lieux autrement, de franchir ou non des barrières, de lorgner à travers des carottages, de découvrir des photographies dans un local technique... Schabus s'intègre lui-même au sein de l'exposition à travers quelques traces biographiques et intimes : la présentation de sa collection de timbres de manière chromatique, une lettre d'enfant à ses parents, ou bien encore cette vidéo amusante où l'on approche peu à peu du cœur de son atelier à Vienne sur le rythme, la dramaturgie et la bande-son d'un western ! Dans une autre vidéo, "Echo", projetée sur une toile en lin, on découvre un paysage embrumé quand, soudain, l'artiste apparaît en courant, trébuche, tombe dans la boue, se relève et quitte l'écran vers une destination inconnue... Un résumé de son œuvre : une mise à nu du cadre de représentation, une confrontation à la matière et aux codes de l'histoire de l'art (paysage, romantisme...), une ligne de fuite tracée à la va-vite pour échapper à de mystérieux poursuivants, à ces puissances de contrainte qui, visibles ou invisibles, s'exercent toujours sur nous.Hans Schabus, «Nichts geht mehr»
À l'Institut d'Art Contemporain (Villeurbanne)
Jusqu'au dimanche 24 avril