L'opéra-bouffe se digère bien
Opera / A l'opéra de Lyon, on remet ça : un Offenbach, une Vie Parisienne, un Laurent Pelly et le tour est joué. La magie opère avec fulgurance : c'est jouissif, décalé, drôle...Pascale Clavel

Jacques Offenbach et Laurent Pelly : entre le compositeur et le metteur en scène, c'est une histoire d'amour comme on en voudrait toujours. Une alchimie totale, un duo de choc, une osmose qui traverse l'espace-temps. Offenbach compose sa Vie Parisienne voilà presque un siècle et demi. La satire qu'il fait de la société n'a rien perdu de son mordant ; troublant, car on pourrait croire qu'il est un de nos contemporains. Cette Vie Parisienne fonctionne à merveille parce qu'Offenbach croque avec justesse une société bouffie d'orgueil, remplie de ses petites convictions, engoncée dans des certitudes molles, truffée de rapports bling-bling au monde. Dans cette œuvre, les intrigues vont bon train, se chevauchent et s'interpénètrent. La musique d'Offenbach y est simplement délirante, légère, enivrante et entêtante. Dès la première, en 1866, elle a connu un succès phénoménal, triomphe magnifiquement orchestré par les directeurs du Théâtre du Palais-Royal d'alors. La finesse d'Offenbach et de ses deux librettistes (Meilhac et Halévy) a été d'offrir aux touristes le Paris qu'ils attendaient, son champagne, ses lumières, ses amours sans lendemain, tout en se moquant ouvertement de ces mêmes touristes. À l'origine, elle a été jouée plus de 260 fois.
Les recettes de Pelly
Laurent Pelly, fin connaisseur des œuvres d'Offenbach, revient à Lyon avec cette version très revigorante de La Vie Parisienne. Quelques râleurs risquent de crier au scandale parce que l'Opéra de Lyon fait du réchauffé ; d'autres sont déjà dans les starting blocks et attendent avidement la première. Elle a déjà été donnée fin 2007 avec le même metteur en scène. Oui mais voilà , Pelly joue dans la cour des grands, il sait chaque fois faire du neuf avec de l'ancien. Les mêmes ingrédients vont créer les mêmes effets : du rythme, des gags drolatiques où l'on s'agite beaucoup, tout cela dans un décor géantissime et coloré de Chantal Thomas. Quant à la distribution, rien à dire. Une ribambelle d'excellents chanteurs vont s'en donner à gorges déployées : Jean-Sébastien Bou campe un Raoul de Gardefeu décomplexé, Laurent Naouri un baron de Gondremarck à l'humour ravageur. Côté fosse, on attend beaucoup du chef d'orchestre Gérard Korsten. Va-t-il savoir, comme à son habitude, faire jaillir les sons comme des feux d'artifices ? Donner aux musiciens l'envie d'en découdre avec une partition savoureusement sucrée ? Quelle que soit la réponse, c'est un bel opéra-bouffe qui nous est donné à déguster.