Un ange passe

Jeudi 26 avril 2012

Il passerait presque inaperçu, ce Concerto à la mémoire d'un ange d'Alban Berg. Un peu comme à son habitude, l'œuvre est programmée en toute discrétion. À l'Auditorium de Lyon, elle est comme prise en étau entre la Wanderer-Fantasie et la symphonie N°4 de Schubert et n'en sera peut-être que mieux mise en abyme. Berg est un compositeur qui reste énigmatique : grand représentant de l'école viennoise atonale avec ses deux acolytes Schönberg et Webern, il est pourtant bien différent des deux autres. Moins ésotérique, moins dogmatique, le compositeur laisse une œuvre peu fournie mais d'une densité redoutable au point que, dans ses choix de séries dodécaphoniques, le tout s'écoute naturellement, sans aspérité aucune. Son Concerto à la mémoire d'un ange fait la synthèse quasi parfaite entre une certaine tonalité évocatrice du passé et un dodécaphonisme affiché. L'œuvre sonne comme un véritable chant du cygne, Berg mourant peu de temps après. L'ange évoqué n'est autre que Manon Gropius, la fille d'Alma Mahler, que le compositeur aimait comme son propre enfant et qui mourut à 18 ans avant l'achèvement de l'œuvre. Très affecté par la mort de Manon, Berg a voulu donner à son Concerto tout le caractère d'un Requiem. La partition très technique du violon soliste reste constamment au service de phrasés d'une grande mélancolie et d'une profondeur humaine des plus bouleversantes. Heinz Holliger à la baguette et Thomas Zehetmair au violon vont-ils savoir nous faire entendre cet ange qui passe ?

Pascale Clavel