Mot à mot

Photo : Ph : Huma Rosentalski
Une comédienne, bras ballants le long du corps, droite come un I une heure durant (à un déplacement près), habillée de manière banale. Une langueur monotone ? Non, un tour du monde et des sentiments, par la parole. «Une encyclopédie de la parole» même, selon le sous-titre du spectacle Parlement que Joris Lacoste a conçu d'après de nombreux témoignages glanés ici et là .
Par la bouche d'Emmanuelle Lafon, toutes les civilisations se confrontent. Et loin de se hiérarchiser selon de fantasmatiques valeurs, elles se cognent, se répondent, se confrontent. Elles dialoguent. Avec une souplesse impressionnante, la comédienne joue des morceaux de textes qui s'enchaînent malgré leurs différences : une vendeuse sur le marché haranguant les badauds, un discours politique, un message téléphonique automatique, l'appel urgent d'une banquière à son client, un cours sur Nietzsche, la météo marine, les directives d'un prof de boxe, Questions pour un champion, un soap-opera. Et quand ce n'est pas en français, des langues connues ou non, réelles ou inventées, se glissent dans les interstices.
Joris Lacoste, avec son montage de plus en plus saccadé au fil de sa pièce, livre d'infimes histoires derrière lesquelles se cachent des personnages qu'on frôle, sans prendre le temps de les connaître vraiment. Si tout ne se comprend pas (idiomes étrangers, bribes de textes), au moins la parole est-elle donnée à qui veut s'exprimer. C'est un geste généreux de théâtre que d'offrir cet espace de parole.
Sur ce plateau nu, Emmanuelle Lafon ralenti un instant la cadence pour se transformer en maîtresse d'école et énoncer le temps d'un instant cette dictée : «Dans tou-tes les lan-gues, virgule, dans tou-tes les lan-gues, virgule, jouer avec les mots est un passe-temps fort agréable, virgule, à la portée de tout le monde. Point».
Tout est dit.
Nadja Pobel
Parlement
Au Théâtre Les Ateliers
Jusqu'au 27 avril