Vers les étoiles

Mardi 8 juillet 2014

Photo : Jamie James Medine

On sait que soul signifie "âme" en français. Que l'on croit ou non aux "forces de l'esprit", on peut avoir la certitude que celle de Bobby Womack sera éternelle. Cette immense étoile de la soul devait venir briller sous la voûte céleste de Fourvière le 23 juillet prochain. Elle s'est éteinte subitement il y a dix jours à l'âge de soixante-dix ans. Une mort subite mais pas si surprenante.
 

Si l'on en ignore les causes exactes, on sait que Womack traînait ou avait traîné quelques boulets : diabète, pneumonie, cancer du côlon et de la prostate et début d'Alzheimer. Beaucoup pour un seul homme, moins pour un type qui a tiré sur toutes les cordes et brûlé par les deux bouts tout ce qu'il y avait à brûler, sans jamais prêter attention au moindre avertissement. C'est souvent le cas de talents incandescents.
 

Très tôt brouillé avec son père Friendly (sic), qui le voue à la damnation pour avoir délaissé le gospel familial au profit de la musique du diable, Bobby en trouve un de substitution en la personne de Sam Cooke, qui renifle les pépites. Les Womack Brothers, rebaptisés The Valentinos, connaissent leur premier succès avec Lookin' for a Love tandis que les Stones leur piquent littéralement It's All Over et le succès qui va avec en 1964.
 

La même année, à la mort de Cooke, assassiné, Bobby est à deux doigts de flinguer sa réputation en épousant la veuve du maître. Il s'épanouit alors dans l'ombre, en studio. Sa carrière solo sera ensuite une série de hauts artistiques - Across 110th Street, increvable hit blaxploitation - et d'abîmes intimes, de disparitions, d'addictions, et de rédemptions - les splendides The Poet et The Poet II en 81 et 84.
 

En 2010, Damon Albarn lui remet le pied à l'étrier avec Gorillaz et lui produit The Bravest Man in the Universe. Un disque hybride qui restera le testament d'un homme qui avait retrouvé l'envie après des années de dépression. Ironie du sort, Womack avait commencé à travailler - notamment avec Stevie Wonder - sur un album qui devait s'intituler The Best Is Yet To Come. On espère au moins que là où il est, celui que l'on appelait "le Prêcheur", trouvera le meilleur pour - contrairement à ce qu'il énonçait sur Nothin' Can Save You, avant-dernier titre de The Bravest Man... - sauver son âme soul.
 

Stéphane Duchêne
 

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