Adriana 42
Lyrique / Si Patrick Hernandez fut l'étoile filante du disco, que dire de la place occupée par Francesco Cilea dans l'histoire de l'opéra vériste italien ? Avec un seul grand "tube" à son palmarès, sa postérité peine à exister, enchâssée entre les Mascagni, Leoncavallo, Giordano ou le piédestal de l'immense Puccini.
Photo : © Davide Livermore-Gio Forma
La célèbre tragédienne du 18e siècle, Adrienne Lecouvreur, très liée au grand Voltaire, sociétaire de la Comédie-Française, avec plus de 1 500 représentations à son actif, doit-elle son marbre posthume aux effets de manches de l'inoubliable et iconique Sarah Bernhardt ? Sa grandiloquence déclamatoire dans Tosca de Victorien Sardou ricocha-t-elle par ruissellement sur le rôle d'Adrienne Lecouvreur ? C'est en effet sur une "vague de Nazaré" que surfe le fringuant Cilea en écrivant son Adriana Lecouvreur en 1902, troisième compositeur à reprendre le récit en musique : le sens inné d'Adrienne pour la tragédie, sa liaison tumultueuse avec Maurice de Saxe, sa rivalité non seulement avec la Duchesse de Bouillon mais surtout avec l'autre star des planches de l'époque "La Duclos", sa mort suspecte d'empoisonnement... Sont réunis ici tous les ingrédients d'un grand navet dramatique... magistralement transmutés par le génie de Cilea, en véritable chef d'œuvre de l'art lyrique ! Du plomb à l'or, il n'y eut qu'un pas, pour ce musicien aux modestes faits d'armes.
L'amour est un bouquet de violettes
Les plus grandes se sont frottées à la mise en abîme de cette tragédienne classique, sublime interprète - dit-on - du théâtre de Corneille, Racine et Voltaire. On pense aux deux Renata, Scotto et Tebaldi, l'immense Caballé, ou plus près de nous, Angela Ghiorgiu. À Saint-Étienne, il sera intéressant d'entendre Béatrice Uria-Monzon dans un rôle de grand soprano, plutôt positionné dans le médium de la voix. Dans le sillon creusé par Caruso, l'excellent Sébastien Guèze défendra à merveille le rôle de Maurice de Saxe, tandis que la baguette sera confiée à un spécialiste de l'opéra italien, Francesco Lanzillotta. Le néophyte devra réserver sa soirée, car l'ouvrage constitue une invitation idéale à découvrir cet art qu'est l'opéra.
Adriana Lecouvreur, du 24 au 28 janvier à l'Opéra de Saint-Étienne
