Les mutations de Gwendoline Soublin

Mardi 10 décembre 2019

Théâtre / Deux spectacles jumeaux et un compagnonnage solide s'annoncent à l'ENSATT où les Clochards Célestes programment les textes de Gwendoline Soublin mis en scène par Philippe Mangenot. Où il est question de la rudesse de la ruralité et d'abandon.

Photo : Pig boy © Steve Ollagnier

La folie rĂ´de toujours au dĂ©tour des phrases de Gwendoline Soublin. NĂ©e en 1987, formĂ©e notamment Ă  l'ENSATT (dĂ©partement Ă©crivain), la trentenaire creuse la façon dont se dĂ©battent ses contemporains avec les contraintes d'une sociĂ©tĂ© marchande et dĂ©shumanisĂ©e. Ses personnages extrapolent, s'inventent des fictions, dĂ©lirent parfois dans le sens le plus salutaire qui soit. On dit que Josepha, prĂ©sentĂ© au festival En acte(s) en 2018 dans son plus simple appareil (des trĂ©teaux, et une semaine de travail) mène sur un parking du très bien nommĂ© Babylone-sur-Isette qui dit l'ancrage territorial et les rĂŞves d'ailleurs. Une jeunesse dĂ©sœuvrĂ©e s'amuse Ă  jouer aux durs pour passer le temps sur le thème « on dit que... » jusqu'Ă  Ă©voquer une vieille dame, Josepha, et ses intentions Ă©tranges. Trouble.

D'autant que des coccinelles ont envahi les lieux. Dans Pig Boy, l'autrice se remémore son grand-père agriculteur breton, les suicides quotidiens de cette profession et la crise du cochon. Elle invente la suite avec brio, façon Truismes de Marie Darrieussecq, où l'homme mute en animal, en l'occurrence une porc-star de la marque de jambon Perta avant de basculer - effet boomerang - en 2358 où les animaux donnent naissance à des humains.

La ferme des animaux

Écrit en colonnes, dans des registres de langues différents, ce travail se prête particulièrement à une choralité que le metteur en scène Philippe Mangenot, auteur de la délicate fable biographique sur Tchekhov (Regardez la neige qui tombe...), maitrise parfaitement avec ses acteurs - les mêmes dans les deux pièces - issus du Conservatoire de Lyon. Il est question de distribution de la parole, de rebondissements, d'équilibre, de chute par la voix de chacun mais aussi du travail sonore mené avec le compositeur Marc Fabre du GMVL (Groupement de Musiques Vivantes de Lyon) qui, dans Pig Boy, permet de traverser tous ces mondes tant le sujet est vaste.

Cette distorsion entre réel et imaginaire s'affirme dans les deux cas comme l'étrange reflet de ce qui meut les passants éphémères que nous sommes et trouve au plateau une résolution sans effet de manche mais au plus près des incohérences contemporaines.

Pig Boy 1986-2358
À l'ENSATT du mardi 17 au jeudi 19 décembre (en journée)
Au Théâtre de la Renaissance en mai

On dit que Josepha
À l'ENSATT du mardi 17 au jeudi 19 décembre (en soirée)

On dit que Josepha

De Gwendoline Soublin, ms Philippe Mangenot, par la Cie Théâtre de l'Entre-deux, 55 min