Experimenta : ouvrir de nouveaux chemins
Événement / Douze spectacles, dix tables rondes, une trentaine d'installations artistiques, déambulations théâtralisées, performances et ateliers... onze jours durant et dans plusieurs salles de l'agglomération, la Biennale Arts Sciences voit (et fait) les choses en grand. Présentation avec Antoine Conjard, directeur de l'Hexagone, la cheville ouvrière de la manifestation.

Photo : (c) CollOrNor (c) Robin Baumgartner (c) Guillaume Kerremans (c) Budhaditya Chattopadhyay
C'est l'aboutissement de deux années de travail : Experimenta, la Biennale Arts Sciences de l'agglomération grenobloise, ouvre ses portes mardi 11 février. Au programme : Dolor, une exposition photos à la MC2, et la première représentation de G5 à l'Hexagone (Meylan). Cette dixième édition respecte les fondamentaux : pour les organisateurs, il s'agit de favoriser une rencontre féconde entre artistes, scientifiques et technologues, tout en mobilisant un large public. Jusqu'au bal de clôture du vendredi 21 au soir, douze spectacles sont à découvrir, y compris dans d'autres salles : Espace 600 (Grenoble), La Rampe - La Ponatière (Échirolles), Le Déclic (Claix), La Source (Fontaine), L'Odyssée - L'Autre Rive (Eybens), l'Amphithéâtre (Pont-de-Claix) et l'EST (Saint-Martin-d'Hères).
En complément, du 13 au 15 février, la Maison Minatec Grenoble et l'Auditorium Grenoble INP accueillent un salon et un forum : propositions artistiques et tables rondes, il y aura beaucoup à découvrir ! Ces rendez-vous, ouverts à tous et gratuits, invitent les curieux à plonger dans l'imaginaire croisé des participants, liés à l'intelligence artificielle, au numérique, à la science-fiction, à l'environnement, à la réalité virtuelle, etc. Une démarche utile : « Face aux multiples enjeux sociétaux et terrestres, il est urgent de nourrir nos actes individuels et collectifs », comme le souligne le très épais dossier de presse d'Experimenta.
Création et humanisme
Bonne nouvelle : une grosse partie des œuvres prĂ©sentĂ©es seront des crĂ©ations, dont neuf issues de rĂ©sidences Ă l'Atelier Arts Sciences de Grenoble - une structure qui associe l'Hexagone aux Ă©quipes du CEA. Toutes ont fait l'objet d'une sĂ©lection en amont, selon des critères rigoureux. « La qualitĂ© artistique est une notion difficile Ă objectiver, mais des Ă©lĂ©ments existent pour dire qu'un projet n'est pas Ă la hauteur de nos souhaits, indique Antoine Conjard, directeur de l'Hexagone. L'humanitĂ© est bien assez mise Ă mal aujourd'hui. Nous cherchons donc des propositions qui puissent tĂ©moigner d'une approche humaniste de notre rapport aux technologies. Une thĂ©matique porteuse : si, au dĂ©part, beaucoup nous demandaient en quoi consistait l'idĂ©e d'associer les arts et les sciences, le sujet prend aujourd'hui de l'importance dans l'Ă©ducation, les entreprises ou les services publics. »
Cela étant, ce même sujet reste parfois nébuleux pour une partie de la population et suscite quelques inquiétudes. Experimenta a dès lors vocation à effacer certaines craintes ou à dissiper des malentendus. Seule une petite partie du programme s'adresse aux seuls professionnels et étudiants. Le public profane est le plus souvent bienvenu : « Ce n'est pas parce que l'on ne sait pas comment fonctionne le moteur d'une voiture que l'on renonce à l'utiliser, compare Antoine Conjard. Nous avons tous intérêt à comprendre ce qui se passe avec l'informatique avancée et les nouvelles technologies pour en user de manière bénéfique. Un bénéfice pas seulement industriel ou commercial, mais aussi humain. »
Pédagogie et réflexion
Personne n'est laissĂ© seul sur le chemin de la connaissance et de l'Ă©merveillement. Pour faciliter l'immersion de chacun dans son vaste cabinet de curiositĂ©s, Experimenta a intĂ©grĂ© la nĂ©cessitĂ© d'une pĂ©dagogie : des visites guidĂ©es seront par exemple offertes Ă un millier d'Ă©lèves, collĂ©giens et lycĂ©ens de la rĂ©gion. En outre, une partie des œuvres exposĂ©es sont interactives. « Le numĂ©rique nous permet de travailler cette dimension, souligne Antoine Conjard. Attention : il faut que cela ait du sens. Beaucoup d'œuvres non-interactives restent tout Ă fait pertinentes. C'est d'ailleurs le propre des artistes de nous ouvrir des chemins que l'on n'aurait mĂŞme pas imaginĂ© exister ! » L'un de leurs points communs avec les scientifiques. L'Hexagone et ses partenaires misent sur l'intelligence collective pour aller de l'avant : l'avenir, ils y pensent avec optimisme. Face Ă l'urgence climatique, notamment, Experimenta se donne Ă©galement l'ambition d'ĂŞtre un temps vouĂ© Ă la rĂ©flexion. Objectif : dĂ©gager des pistes pour la construction du monde de demain.
Une dimension internationale
Un atout supplémentaire pour Experimenta : l'événement rayonne au-delà des frontières de l'agglomération grenobloise. Cette année, les organisateurs de la manifestation se réjouissent d'accueillir des hôtes venus d'Allemagne, de Pologne et d'Espagne, notamment. L'un des artistes arrive même d'Inde pour prendre part au salon ! D'où la nécessité d'un important travail en amont, sur une durée que l'on imagine plus longue que celle de la diffusion des installations et spectacles.
Pas de limite pour autant : les œuvres qu'Experimenta prĂ©sente pour la première fois ont bel et bien vocation Ă ĂŞtre vues ailleurs par la suite. « Notre objectif est bien qu'elles tournent dans d'autres théâtres, festivals et lieux, confirme Antoine Conjard. Rien qu'en France, comme l'Hexagone, une vingtaine de territoires travaillent pour mettre en relation artistes et scientifiques. » Pour aller plus loin, Experimenta accueillera aussi un Ă©vĂ©nement d'envergure continentale : les Rencontres europĂ©ennes du groupement Transversale des RĂ©seaux Arts Sciences. L'Ă©vĂ©nement n'a pas tant vocation Ă grossir qu'Ă aller toujours plus loin dans la rencontre avec le public local. C'est logiquement que le rythme biennal s'est imposĂ© Ă l'organisation : en plus de sa saison artistique, l'Hexagone et ses partenaires, institutionnels comme industriels, ont besoin de temps pour prĂ©parer Experimenta. Cela ne s'arrĂŞte jamais complètement : ainsi, fin janvier, les Ă©quipes avaient-elles dĂ©jĂ reçu des propositions pour l'Ă©dition 2022.