Par où commence un corps humain ?
Peinture contemporaine / L'il écoute expose plusieurs grandes toiles très récentes (et aussi quelques dessins) du peintre Frantz Metzger. Un artiste qui se saisit des mystères du vivant et des corps humains, avec passion et angoisse.

Photo : Frantz Metzger, La Nuit descend, 2024. DR
Est-ce que les corps peints par Frantz Metzger (né en 1980, il vit et travaille à Lyon) s'arrachent à la matière, ou sont-ils au contraire engloutis par elle ? En phase de composition centrifuge ou en phase de décomposition centripète ? Dans une interview datant de 2017 au Petit-Bulletin, l'artiste nous répondait, les deux mon général : « J'aimerais pouvoir peindre une figure qui contiendrait tout cela : un début, une croissance et une fin mais qui, dans un sens, continuerait dans le tableau, comme la chair pourrissante continue dans la vie. » La passion du vivant et de ses énigmes pousse l'artiste vers un sacré au-delà de toute religion, anime son désir de peindre, tend son interrogation toujours renouvelée et persévérante de toile en toile.
L'influence de Francis Bacon (mais pas seulement : Titien, Rembrandt et d'autres), la capacité du peintre anglais à représenter les forces qui traversent un corps humain, est évidente dans le travail de Metzger. Mais avec lui, Bacon sort de ses espaces cubiques abstraits pour aller se "promener" en forêt, s'asseoir ou s'allonger sur un coin d'herbe ou sur une motte de terre. Mais la palette est sombre, grise, terreuse. La vie s'ébat parmi les masses chaotiques et vaporeuses des nuages, des arbres et arbustes, de l'humus....
Perdre la tête ?
L'accrochage de ses peintures récentes dans les caves de la galerie L'il écoute convient particulièrement bien à l'univers de Frantz Metzger : descente au-dessous du niveau du sol, légère odeur d'humidité. Et là, le visiteur tombera, par exemple, nez à nez devant cet inquiétant corps d'albâtre accroupi dans l'herbe au milieu de la nuit (La Nuit descend, 2024). Ce qui inquiète sans doute le plus avec les personnages peints de Metzger, c'est leur absence de visage ! Ou, plus précisément encore, des visages comme explosés, éparpillés en flux poussiéreux, tordus par les forces corporelles et naturelles qui les entourent. Au-delà de l'angoisse que cela induit, on peut y voir aussi une image de la pensée : penser c'est penser par jets explosifs, c'est penser à partir d'un corps pulsionnel anarchique lui-même relié aux forces chaotiques de la nature environnante. Le matérialisme de Metzger traversé de spiritualité est en cela très contemporain, abattant les frontières entre le psychique, le corporel, l'humain, l'animal, le végétal et même le minéral.
Décompositions, Frantz Metzger
Jusqu'au 29 septembre à la galerie L'il écoute (Lyon 5ᵉ) ; entrée libre