Congés payés et maladie : la loi enfin publiée !
En réponse à la salve d'arrêts de la Cour de cassation de septembre 2023, la loi Ddadue est venue mettre en conformité le Code du travail sur la question de l'acquisition des congés payés pendant les périodes d'arrêt de travail pour maladie.
La loi du 22 avril 2024 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne (Ddadue) permet désormais notamment d'acquérir des congés en cas de maladie ordinaire, introduit un délai de report de quinze mois pour les congés non pris, ainsi qu'une obligation d'information à la charge de l'employeur. Dans la pratique, cette loi pose néanmoins de nombreuses questions, laissant les entreprises incertaines quant à la réponse pratique à apporter à leurs salariés et chargées d'un « stock de congés »...
Un salarié peut-il acquérir des congés payés pendant un arrêt maladie ?
Oui, le salarié en arrêt de travail, en raison d'accident du travail ou de maladie professionnelle ou, depuis le 24 avril 2024, d'accident ou de maladie ordinaire, est désormais en droit d'acquérir des congés payés.
Le sujet a fait beaucoup parlé au printemps dernier. Après le coup de tonnerre des arrêts de la Cour de cassation du 13 septembre 2023 par lesquels la Cour de cassation alignait sa jurisprudence, et donc la position de la France, sur celle de la Cour de Justice de l'Union européenne en matière de congés payés et de maladie, la réaction du gouvernement se faisait attendre.
Pourtant, comme l'avait indiqué la Cour dans son communiqué, elle ne faisait que « mettre en conformité le droit français avec le droit européen en matière de congé payé » et « garantir ainsi une meilleure effectivité des droits des salariés à leur congé payé ».
Mais les solutions que la Cour avait retenues étaient lourdes de conséquences et l'impact financier pour les entreprises s'annonçait colossal (environ 2 milliards d'euros). Il n'était donc pas anormal que la rédaction du texte légal puisse être mûrement réfléchie avant son adoption.
Dans un délai, qui, en droit, est un délai éclair, la loi tant attendue sur le sort des congés payés en cas d'arrêt maladie a finalement été publiée quelques mois après, le 23 avril 2024. Il s'agit de la loi du 22 avril 2024 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne, dite la Loi Ddadue.
Quels sont les nouveaux droits des salariés en matière de congés payés et de maladie ?
L'article qui nous intéresse est l'article 37 de cette loi Dadue. Il reprend bien sûr les grands principes qui avaient été dégagés par la Cour de cassation.
Avant le 24 avril 2024, il n'était pas légalement possible d'acquérir des jours de congés payés durant un arrêt de travail d'origine non professionnelle. Désormais, le salarié en arrêt de travail en raison de maladie ordinaire (accident ou maladie d'origine non professionnelle) est en droit d'acquérir des congés payés.
Plus globalement, tout salarié malade ou accidenté a droit à des congés payés sur sa période d'absence, même si cette absence n'est pas liée à un accident de travail ou à une maladie professionnelle, et ce de manière illimitée.
La loi procède également à de notables modifications, en limitant notamment à deux jours par mois, et vingt-quatre jours ouvrables au total, le nombre de jours acquis par les salariés en absence pour cause de maladie ou accident non professionnels par période de référence.
Elle introduit également un droit au report de quinze mois pour la prise des congés, mais dont le point de départ varie selon les durées d'absences et les dates de reprises des salariés.
Les congés payés non pris du fait d'un arrêt de travail, comme ceux acquis pendant un arrêt de travail couvrant toute la période de référence, peuvent désormais bénéficier d'une période de report de quinze mois, mais dont le point de départ de la période diffère selon la situation.
Une obligation d'information de l'employeur sur les droits à congés des salariés à leurs retours d'absence vient finaliser le dispositif, pour permettre à tous une parfaite mise en œuvre de ses dispositions.
Désormais, à l'issue d'une période d'arrêt de travail, et quelle que soit sa durée, l'employeur dispose d'un mois pour informer le salarié du nombre de jours de congé, dont il dispose et de la date jusqu'à laquelle ces jours de congé peuvent être pris.
La délivrance de cette information est essentielle car, sauf exceptions, elle marque le début du délai de report pour le salarié qui n'aurait pas pu prendre tous ses congés avant la fin de la période de prise des congés du fait de son absence.
Cerise sur le gâteau, la loi précise enfin sa temporalité : certaines de ses dispositions s'appliquent rétroactivement, et depuis le 1er décembre 2009, quand bien même ni les entreprises ni les salariés n'auraient pu s'en douter à cette époque lointaine...
En théorie, cela signifie qu'un salarié pourrait solliciter les congés acquis au titre de périodes d'arrêts intervenues depuis 2009, et donc, à l'extrême, vingt jours par an depuis quinze ans ! Heureusement, au travers de la mécanique des textes, la rétroactivité ne devrait jouer, en pratique, que pour les arrêts de moins un an ou pour lesquels le contrat n'est pas demeuré suspendu toute la période d'acquisition, soit une limite très importante.
Et pour quelles conséquences pour les entreprises ?
Ensuite du coup de théâtre qu'avait représenté la salve d'arrêts de la Cour de cassation de septembre dernier, cette loi est malheureusement loin de tout régler et de faire « disparaître le stock » de congés payés généré par le changement brutal de position de la Cour de cassation.
Si elle limite le délai dont disposent les salariés en poste au moment de sa parution, pour faire valoir leurs droits en justice, elle peut, en fonction des situations individuelles, représenter un dû non négligeable pour les entreprises.
Elle amène en outre son lot de questions : quelles conséquences exactes pour mon entreprise ? Comment réagir face aux demandes, désormais légitimes mais coûteuses, de salariés ? Quelles actions l'entreprise doit-elle mettre en œuvre pour appliquer au mieux le texte ? Et surtout comment limiter les conséquences financières pour mon entreprise ? Autant d'interrogations auxquelles il faut désormais apporter une réponse pratique adaptée.
Par ailleurs, nous constatons que, dans le même temps, certains éditeurs de logiciels de paie n'hésitent pas à modifier le paramétrage du système de paie, sans que l'entreprise n'ait été informée ou n'ait donné son accord quant aux méthodes retenues ; ce paramétrage peut avoir pour conséquence d'accorder des « droits » pour le passé et donc d'augmenter les compteurs de congés payés pour les salariés concernés.
La vigilance doit donc être de mise sur ces sujets désormais, et les accompagnants en droit social ont encore de beaux jours devant eux...