Arnaque aux faux investissements : comment se défendre ?

par Me Carole Ollagnon Delroise
Jeudi 28 novembre 2024

En matière de placements, personne n'est à l'abri d'une arnaque. Que ce soit un faux conseiller, un faux placement ou des promesses de rendements irréalistes, les escrocs ont développé des stratagèmes bien rodés. Pour la victime, il n'y a quasiment plus de recours lorsque les fonds ont été virés au profit de l'escroc.

Il ressort de l'une des dernières publications de l'Autorité des marchés financiers sur les nouvelles pratiques d'investissement en France (octobre 2024), qu'un quart des investisseurs choisissent leurs placements suite à une recherche d'informations personnelle en ligne.

Pour près de la moitié des investisseurs, la prise de décision s'effectue après une recherche d'informations. Les plus de 65 ans s'informent majoritairement via des médias spécialisés, tandis que les moins de 35 ans privilégient des contenus ou des avis sur internet.

Cependant, les conseillers professionnels et les proches restent encore fréquemment cités comme uniques sources d'orientation et d'informations pour les placements des particuliers.

Ce dernier constat, et l'attrait grandissant des ménages pour l'investissement, également relevé sans discontinuer depuis la crise du covid de 2020, ont ouvert la porte à de nouveaux acteurs : des personnes non agréées, spécialistes du démarchage et des promesses de rendements élevés à la condition d'investir dans des produits financiers inédits et inexistants. En bref, des spécialistes de l'escroquerie !

C'est ainsi que sont de plus en plus nombreux ceux qui, comme ce retraité anonyme, ont perdu l'épargne d'une vie en quelque mois, victimes incrédules d'une arnaque pourtant tellement prévisible, et cherchant un responsable, qui pourrait être leur propre banquier...

L'exemple d'une escroquerie

Monsieur B. a été démarché téléphoniquement, puis sur internet, par le représentant d'une banque connue, qui lui a proposé plusieurs produits avec un taux de rendement bien supérieur à celui de ses comptes d'épargnes et des divers placements sécurisés alimentés tout au long de sa vie d'actif. Il s'est ainsi laissé convaincre par les sirènes de l'enrichissement et a donné plusieurs ordres de virement à sa banque historique sur des comptes ouverts à l'étranger, au profit de diverses entités qui lui ont été présentés comme des fonds d'investissement par la banque démarcheuse.

Il a même été convaincu d'investir une partie de son épargne dans un produit financier inédit de cryptomonnaie !

Cependant, ces offres relevaient de l'escroquerie et la banque conseillère connue n'était pas en réalité l'employeur du faux démarcheur qui avait copié son logo et l'ensemble de ses supports de communication. Lorsque Monsieur B. s'en est aperçu, il était trop tard et il était déshabillé de l'intégralité de sa fortune, fruit d'une longue vie de labeur...

Certes, il a immédiatement déposé une plainte pénale pour escroquerie au faux placement, mais récupérera-t-il ses fonds par ce biais ? C'est moins sûr... Avec son avocat, il a donc exploré la piste de la responsabilité de son propre établissement bancaire pour tenter de lui demander le remboursement des sommes détournées, mais l'examen de la jurisprudence ne lui donne, à ce jour, quasi aucune chance de succès...

Pour bien comprendre, ol est un fait important que dans le schéma d'escroquerie rappelé ci-dessus, la victime ne conteste pas avoir donné son consentement aux ordres de virement l'ayant dépouillée. Dès lors, il n'y a pas lieu de se référer à la législation spécifique aux virements frauduleux non valablement autorisés par le détenteur du compte de dépôt débité, qui protège ce dernier s'il n'a pas commis de négligence grave.

Au contraire, la victime admet avoir elle-même effectué les déplacements de fonds litigieux, en raison de la tromperie d'un escroc sans scrupules et a donc participé à la réalisation de son dommage.

Quelles lignes de défense possibles ?

Le premier réflexe de son défenseur sera quand même de tenter de reprocher à la banque un manquement à un devoir de vigilance contractuel face à des mouvements inhabituels ou anormaux sur le compte de son client qu'elle aurait dû repérer.

En réponse, dans une espèce récente (24 janvier 2024), la cour d'appel de Paris a retenu, à l'instar d'autres juridictions avant elle, que :

- S'il « ressort des relevés de compte versés au débat [...] que les virements litigieux ne correspondaient pas aux modalités de fonctionnement habituelles du compte, [...] le solde du compte est demeuré créditeur à l'issue de chaque virement »,  en sorte que les opérations concernées « n'ont pas relevé d'une gestion patrimoniale incompatible avec les divers avoirs dont disposait alors Monsieur M. »,

- « Les pays destinataires, à savoir l'Angleterre pour les premiers, puis la Bulgarie, la Roumanie et la Géorgie, n'étaient pas placés dans des zones à risque particulier »,

« Aucun des destinataires des fonds, bénéficiaires des virements [...], n'était inscrit sur la liste noire dressée par l'Autorité des marchés financiers »,

« La banque n'est intervenue qu'en qualité de prestataire de services de paiement et gestionnaire de compte, de sorte qu'elle n'était tenue à aucune obligation de mise en garde ou de conseil [...] »...

À ce moyen du manquement à un devoir de vigilance, la banque répondra avec succès qu'elle n'a fait qu'exécuter un ordre dépourvu d'anomalie apparente et qu'elle est tenue à un devoir de non-immixtion dans les affaires de ses clients.

C'est ainsi que dans une autre espèce récente (9 juin 2023), la cour d'appel de Douai a jugé :

« Il ne peut être reproché à la banque un manquement à son devoir de vigilance alors que, tenue à un devoir de non-immixtion dans les affaires de sa cliente, elle n'avait pas à analyser la nature et le montant des opérations effectuées en l'absence d'anomalie apparente ou d'indice de fraude, même si les montants cumulés étaient importants et qu'ils bénéficiaient à des entités étrangères dès lors que le compte restait créditeur. »

La deuxième idée du défenseur de la victime pourrait être d'invoquer un « manquement à l'obligation de vigilance renforcée » imposée par les articles L561 et suivants du Code monétaire et financier, en cas de soupçons de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme.

Sur le fondement de ce texte, la banque doit veiller à ce que les opérations de ses clients soient cohérentes avec leur profil, faute de quoi elle ne doit pas les exécuter.

Nombreux sont ceux qui ont essayé cette porte, initialement fermée par un arrêt de principe de la Cour de cassation, déjà ancien, du 28 avril 2004 (numéro 02-15.054), aux termes duquel il a été jugé que la victime d'agissements frauduleux ne peut pas se prévaloir de l'inobservation d'obligations résultant de ces textes pour réclamer des dommages-intérêts à l'établissement financier.

La cour d'appel de Poitiers a réaffirmé cette jurisprudence par un arrêt du 4 avril 2023, reprenant en la visant expressément, la décision de la Cour de cassation du 28 avril 2004.

Le principe ainsi défendu est que la lutte contre le blanchiment d'argent ne protège pas l'intérêt individuel, mais l'intérêt général...

À ce jour, la meilleure recommandation à donner aux investisseurs particuliers est de multiplier et de croiser les sources d'informations, avant de faire confiance et d'effectuer un placement, ou d'avoir recours à un conseil en investissements financiers (CIF), en vérifiant son immatriculation auprès de l'Organisme pour le registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance (Orias), gage qu'il remplit bien les conditions d'accès à la profession et qu'il est assuré.