Ski de randonnée et sécurité sur les pistes : un enjeu d'avenir

par Me Stéphanie Baudot
Mardi 7 janvier 2025

Depuis la période du covid, l'engouement pour le ski de randonnée reste important ; plusieurs pratiques existent, et certaines peuvent avoir des interactions avec la pratique du ski alpin sur les pistes des domaines skiables, non sans risque.

Qu'est-ce que le ski de randonnée ?

Le ski de randonnée a pour objet de pouvoir évoluer en montagne sans avoir à emprunter de remontées mécaniques pour gravir les
sommets.

Il nécessite un matériel spécifique : des chaussures disposant d'une position marche et d'une position descente d'une part, et des skis disposant de peaux amovibles, d'autre part.

L'ascension se fait avec des chaussures fixées uniquement à l'avant de la fixation. À la descente, les chaussures sont fixées à l'avant et à l'arrière, et les peaux collées sous les skis ayant permis de monter sont enlevées pour pouvoir glisser.

Les études réalisées sur le ski de randonnée (pour la période antérieure à la crise sanitaire) montrent que le ski alpinisme est pratiqué en majorité par des personnes souhaitant faire du ski en dehors des domaines skiables, afin de randonner en montagne en hiver et de disposer d'une autonomie en adéquation avec l'itinéraire envisagé (Le ski de randonnée brouille les pistes de Dominique Kréziak et Philippe Bourdeau aux éditions du Fournel).

Depuis la crise sanitaire, l'accès facilité à un matériel adapté a fait découvrir le ski de randonnée à d'autres usagers.

Ces nouveaux pratiquants peuvent être distingués en deux groupes : les urbains sportifs, qui voient dans le ski de rando, ou ski alpinisme, l'occasion de pratiquer du sport et faire monter le cardio en plein air, d'une part, et les débutants intéressés par la nouveauté de ce sport, sans néanmoins disposer de solides bases techniques de pratique
d'autre part.

Le point commun de ces deux nouveaux groupes de pratiquants est qu'ils préfèrent pratiquer sur un espace plus facile d'accès, tel que les pistes damées de ski alpin des domaines skiables.

Cette pratique, pourtant souvent interdite, n'est pas sans risque.

Ski de randonnée sur les pistes

une pratique très majoritairement interdite et dangereuse, même en journée

Contrairement à une croyance répandue, pourtant totalement infondée, la montagne « n'appartient pas à tout le monde ».

Qu'il s'agisse de certains espaces naturels protégés, ou des domaines skiables, des règles s'appliquent et doivent être respectées.

En effet, un skieur de randonnée qui remonte une piste de ski alpin pendant les horaires d'ouverture du domaine, et qui est ainsi à contresens du flux des skieurs, est susceptible d'être percuté par un usager de la piste de ski alpin.

Dans la mesure où la très grande majorité des arrêtés municipaux qui édictent les règles de sécurité sur le domaine skiable interdisent la pratique du ski de randonnée à la montée sur les pistes, le skieur de randonnée à contresens commet une faute en enfreignant l'arrêté municipal et engage ainsi sa responsabilité vis-à-vis de l'usager avec lequel il aura eu
une collision.

Même sans collision, si son parcours contraint un usager à une manœuvre aboutissant à une chute, ce dernier pourra justifier de la faute du skieur de randonnée pour engager sa responsabilité et le contraindre à indemniser son entier
préjudice.

Il convient de rappeler que la Fédération internationale de ski a mis en place dans les années 1960 les « dix règles du skieur » permettant de régir le comportement normalement diligent de l'usager des pistes de ski alpin.

Même si ces « dix règles du skieur » n'ont jamais été entérinées par des dispositions législatives ou réglementaires (encore que certaines de ces règles peuvent être rappelées dans l'arrêté municipal relatif à la sécurité sur le domaine skiable), la jurisprudence de la cour de cassation reconnaît leur validité et leur opposabilité.

Or, remonter une piste de ski alpin en ski de randonnée, en étant donc à contresens, constitue à tout le moins un non-respect de la règle imposant le respect du balisage et de
la signalisation.

Pour éviter cette pratique dangereuse, beaucoup de domaines skiables ont mis en place des itinéraires de montée en ski de randonnée, à côté des pistes, afin de permettre cette pratique à proximité (les pistes sont alors empruntées à la descente), sans augmenter le risque
d'accidents.

Ski de randonnée sur les pistes

après fermeture du domaine skiable, une pratique très dangereuse

En dehors des horaires d'ouverture des pistes, leur accès est interdit, tant à la montée qu'à la descente, afin de permettre à l'exploitant du domaine skiable de préparer et d'entretenir les pistes, et notamment aux engins de damage
de travailler.

Une fois encore, le skieur de randonnée qui, souvent par facilité, préfère emprunter les pistes de ski alpin, à la montée ou à la descente, commet une faute en enfreignant les règles impératives de l'arrêté municipal pris en application des pouvoirs de police du maire.

Mais surtout, le skieur de randonnée qui emprunte les pistes du domaine skiable en dehors des horaires d'ouverture (tôt le matin ou tard le soir) prend un risque important pour sa propre sécurité, puisqu'alors les engins de damage
travaillent.

Parfois, la dameuse utilise un câble de treuil qui s'avère difficilement visible et qui est susceptible de se tendre très brusquement, ce qui est vraiment très dangereux ; plusieurs accidents très graves se sont déjà produits dans
ces conditions.

Les différents pelotons de gendarmerie de haute montagne (PGHM) multiplient, notamment en début de saison, les opérations de sensibilisation à ces risques auprès des différents usagers.

Cela témoigne de la prise de conscience des autorités sur les problématiques de ces nouvelles pratiques.

Les conseils de bonnes pratiques

Avant d'avoir la capacité de partir faire du ski de randonnée en dehors des espaces balisés et sécurisés, un encadrement par un professionnel de la montagne sera une bonne solution pour s'assurer de respecter les conditions de sécurité pour soi et pour les autres.

En tout état de cause, il est impératif de respecter les dispositions des arrêtés réglementaires relatifs à la sécurité du domaine skiable, afin d'éviter d'engager sa responsabilité, civile et/ou pénale.

Il est également recommandé de disposer d'une assurance, tant pour couvrir sa responsabilité civile à l'égard des tiers, que pour s'assurer de disposer d'une indemnisation en cas de secours ou d'accident.

La montagne se partage, mais toujours dans le respect de la loi.