Les conséquences de l'inaptitude du salarié pour l'employeur
L'avis d'inaptitude délivré par le médecin du travail à l'issue d'une visite médicale de reprise détermine le régime de la rupture et l'éventuelle nécessité d'une recherche de reclassement du salarié.
La détection précoce et l'accompagnement des salariés risquant de ne plus pouvoir occuper leur poste peuvent permettre aux organisations d'éviter les situations d'inaptitude au travail. Le dialogue doit être favorisé en cas de conflit.
La notion d'inaptitude au poste de travail
Au sens du Code du travail, l'inaptitude au poste de travail se définit comme l'incompatibilité entre l'état de santé physique ou mentale du salarié et son poste de travail, dès lors « qu'aucune mesure d'aménagement, d'adaptation ou de transformation du poste de travail occupé n'est possible » (article L 4624-4 du Code du travail).
Elle peut être d'origine professionnelle lorsqu'elle résulte d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ou d'origine non professionnelle.
Surtout, l'inaptitude, quelle que soit son origine, doit être définitive et permanente pour entraîner l'ouverture de ce que l'on nomme « la procédure d'inaptitude », à savoir des obligations précises à la charge de l'employeur.
Employeur, attention au délai d'un mois !
L'employeur doit être particulièrement vigilant car une déclaration d'inaptitude ouvre un délai d'un mois « à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail »,  au cours duquel l'employeur est tenu, dans certaines situations, de rechercher une solution de reclassement permettant de préserver l'emploi de l'intéressé. S'il s'avère que tout reclassement est impossible, l'employeur devra procéder au licenciement.
En toute hypothèse, l'article 1226-4 du Code du travail dispose qu'au terme du délai d'un mois ouvert par la déclaration d'inaptitude, l'employeur est tenu de reprendre le versement du salaire si le salarié n'a pas été reclassé ou licencié.
Autrement dit, lorsque c'est possible, l'employeur est tenu d'agir d'abord pour le maintien de l'emploi du salarié, ensuite pour clarifier une situation qui ne doit pas s'éterniser et permettre au salarié qui ne peut pas être reclassé de percevoir, soit les indemnités de licenciement, soit son salaire.
L'évolution jurisprudentielle récente
Par deux arrêts du 8 février 2023, la Cour de cassation a apporté des précisions nouvelles sur les conséquences d'une inaptitude totale à l'emploi constatée par le médecin du travail.
La gestion par l'employeur d'un avis d'inaptitude demande de bien connaître la législation et la jurisprudence en vigueur et de se faire accompagner par un avocat dans ses démarches.
Consultation du CSE, dans quels cas ?
Le Code du travail, en son article 1226-2, prévoit que l'employeur doit, avant de proposer au salarié inapte un autre emploi approprié à ses capacités, demander l'avis du CSE lorsqu'il existe.
Le Code du travail n'impose aucune forme particulière pour recueillir cet avis, il est tout à fait possible pour l'employeur de consulter le CSE par voie électronique (Cass. soc. 23 mai 2017, n° 15-24.713),  voire au moyen d'une conférence téléphonique (Cass. soc. 30 septembre 2020 n° 19-13.122).
La consultation des représentants du personnel ne donne pas nécessairement lieu à un vote : il suffit qu'ils puissent exprimer leur avis (Cass. Soc. 25 janv 2023 n° 21-17.478).
Ainsi, la Cour de cassation a précisé que l'avis des représentants du personnel n'a qu'une valeur indicative. Il en résulte que si les membres du CSE sont favorables au licenciement du salarié concerné, cela ne dispense pas l'employeur de rechercher un reclassement (Cass. soc. 30 sept. 2020, n° 19-16.488).
Obligation de reclassement ou non ?
La loi n° 81-3 du 7 janvier 1981 a introduit, dans le Code du travail, une obligation de reclassement à l'égard des salariés devenus inaptes à l'exercice de leur emploi à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle.
L'obligation de reclassement a assez rapidement interrogé. Cette problématique de l'inaptitude des salariés génère un contentieux important, notamment en ce qui concerne la recherche d'un poste de reclassement, lorsque le médecin du travail ayant rédigé l'avis d'inaptitude n'a pas exclu la possibilité d'un reclassement. Une insuffisance de clarté dans la rédaction de l'avis d'inaptitude peut générer des interprétations divergentes.
Dans un arrêt récent, la Cour de cassation confirme que, lorsque l'avis retient que tout maintien du salarié dans son emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que son état de santé fait obstacle à tout reclassement, l'employeur est dispensé de l'obligation de reclassement (Cass. soc. 8 février 2023 pourvoi n° 21-19.232).
Obligation de licencier pour inaptitude
Lorsqu'un avis d'inaptitude a été émis, l'employeur doit mettre en place la procédure de licenciement pour inaptitude. La Cour de cassation a précisé que les dispositions relatives à l'inaptitude ont un caractère d'ordre public qui exclut tout autre motif de licenciement (Cass. soc. 8 février 2023 n° 21-16.258).
Toutefois, le montant des indemnités de licenciement versées au salarié licencié est plus important lorsque l'inaptitude a une origine professionnelle (en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle). Dans ce cas, par application de l'article L 1226-14 du Code du travail, l'employeur doit verser au salarié inapte une indemnité spéciale de licenciement, quelle que soit son ancienneté dans l'entreprise (Soc. 10 nov. 1988 Bull. civ. V n° 589 ; D 1989 IR 269).
Cette indemnité spéciale de licenciement est, sauf dispositions conventionnelles plus favorables,  « égale au double de l'indemnité prévue à l'article L 1234-9 du Code du travail ». La formule est ambiguë en raison de l'imprécision quant à la nature de l'indemnité visée par ce dernier article. S'agit-il de l'indemnité légale ou de l'indemnité conventionnelle de licenciement ? Concrètement, lorsque l'indemnité conventionnelle de licenciement est plus élevée que l'indemnité légale, le salarié perçoit-il le double de l'indemnité conventionnelle ?
La Cour de cassation est venue préciser que le doublement ne s'applique qu'à l'indemnité légale prévue à l'article L 1234-9 du Code du travail. La comparaison doit donc être effectuée entre l'indemnité légale doublée et l'indemnité conventionnelle non doublée.
C'est seulement dans l'hypothèse où l'indemnité conventionnelle est d'un montant supérieur à l'indemnité légale doublée, que l'employeur devra verser l'indemnité conventionnelle, qui elle, ne peut pas être doublée (Soc. 22 janv. 1992, Bull Civ V n°28. D1992, IR 61).
Attention au non-respect de ces dispositions, car le licenciement pour inaptitude est strictement encadré. Le non-respect de certaines dispositions légales en la matière est susceptible d'entraîner la nullité pure et simple du licenciement et le droit à réintégration du salarié avec le rappel de salaires afférents.
L'anticipation nécessaire du risque d'inaptitude dans les entreprises
En région Auvergne-Rhône-Alpes, il était dénombré plus de 12 000 inscriptions annuelles à Pôle emploi liées à un licenciement faisant suite à un avis d'inaptitude médicale au poste de travail (source : Pôle emploi rapport Dreets, 2019). Une évolution de 43 % depuis 2013 était alors recensée.
Il est recommandé aux entreprises de prendre des mesures de maintien au poste, lesquelles sont favorisées par la détection précoce, un accompagnement et le maintien du dialogue, notamment grâce au recours à un médiateur neutre et indépendant.