Conflits en entreprise, la médiation comme solution

par Me Stéphanie Marchal
Jeudi 23 janvier 2025

Et si le recours au juge ou le licenciement n'étaient pas les seules options possibles face à un conflit au sein de l'entreprise ? La médiation, une solution rapide et pérenne encore trop peu utilisée, présente pourtant des avantages considérables pour toutes les parties concernées.

Longtemps cantonné à la médiation judiciaire (dans le cadre d'un procès en cours), depuis la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, le recours à la médiation conventionnelle (à l'initiative des parties sans saisine du tribunal) est désormais ouvert aux litiges en droit du travail.

Jusque-là, les dispositions de procédure civile relatives à la médiation conventionnelle intervenant dans les conflits qui s'élèvent à l'occasion d'un contrat de travail ne pouvaient s'appliquer que lorsque ces différends étaient transfrontaliers (article 24 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995).

Pourquoi recourir à la médiation en droit du travail ?

Si le droit du travail offre des solutions pour la plupart des problèmes rencontrés en entreprise, notamment par le biais du licenciement, du contentieux ou de la négociation, il ne traite pas le problème à la racine. Autrement dit, il arrive souvent que le droit ne permette de traiter que le symptôme et non la maladie, laquelle se retrouve simplement en sursis, sans que le problème de fond soit réellement résolu.

A contrario, la médiation tient compte des personnes et de leurs besoins spécifiques. Elle est de ce fait parfaitement adaptée au droit du travail, qui est une matière « humaine » par excellence.

Elle permet de surcroît le recours à des solutions de réparation très variées et surtout choisies par les parties, là où le droit ne peut offrir, in fine, que des compensations financières, lesquelles ne répondent pas toujours aux besoins des parties, notamment celles qui recherchent dans le conflit de la reconnaissance...

Ainsi, la médiation peut permettre de résoudre le différend sans se séparer d'un personnel compétent et déjà formé et, ce faisant, d'améliorer l'image de l'entreprise auprès de ce même personnel, ce qui constitue un plus non négligeable, a fortiori dans une période où le recrutement s'avère difficile.

Dans quels cas utiliser la médiation pour résoudre les conflits en entreprise ?

La médiation permet de résoudre durablement la plupart des conflits en entreprise. Les signes précurseurs sont les tensions au sein de l'entreprise, d'une équipe ou entre deux salariés, un « turnover » trop important, ou encore les sujets de blocage récurrents dans le cadre des négociations collectives.

Si le recours à la médiation dans les conflits individuels semble souvent plus évident que pour les conflits collectifs, le juge, qui est actuellement le plus souvent à l'initiative de cette solution, la propose dans les deux cas.

En matière de conflits individuels, la médiation va permettre de désamorcer les conflits relationnels entre deux ou plusieurs personnes, qu'il s'agisse de collègues ou d'un conflit managérial. À titre d'exemple, la médiation peut notamment être envisagée avant l'éventuelle rupture du contrat d'un salarié en arrêt maladie qui dénonce ses conditions de travail et ainsi, in fine, permettre de prévenir des risques psychosociaux...

La Cour de cassation considère en effet que la médiation fait partie des mesures de prévention des risques psychosociaux, visées par l'article L4121-1 du Code du travail (qui impose à l'employeur de prendre les mesures nécessaires à la protection de la santé physique et mentale de ses salariés), en ce qu'elle permet d'identifier les dysfonctionnements et de venir les corriger (Cass Soc 17 octobre 2012 n° 11-18.208).

On notera toutefois qu'en cas de dénonciation de faits de harcèlement moral ou sexuel, la médiation ne peut intervenir qu'après enquête interne concluant à l'absence de harcèlement.

L'objet de la médiation est alors de favoriser la poursuite des relations professionnelles entre les protagonistes, en leur offrant un espace permettant de restaurer le dialogue.

En matière de conflits collectifs, c'est le plus souvent la réitération de litiges collectifs entre les mêmes parties qui alerte sur le fait que la difficulté n'est pas tant le dossier en particulier que les postures des parties conduisant systématiquement à des situations de blocage, là où le dialogue aurait grandement besoin d'être renoué, pour permettre de trouver des solutions viables pour toutes les parties.

À titre d'exemples, la médiation peut s'avérer utile notamment lorsqu'un CSE demande la suspension de projets au motif qu'il s'estime insuffisamment informé, ou lorsqu'il demande des expertises contestées par l'employeur, ou encore lorsque des organisations syndicales accusent la direction de commettre des délits d'entrave à répétition ou enfin, dans le cadre de conflits d'interprétation d'accords collectifs...

Quand ?

Aujourd'hui, en droit du travail, le recours à la médiation n'est le plus souvent organisé que dans le cadre judiciaire, et là encore, la plupart du temps, que dans les cas de départage en première instance ou au niveau de l'appel, dans les cours qui en font la proposition aux parties. Autrement dit, en droit du travail, la médiation n'est malheureusement actuellement envisagée qu'à un stade où le conflit est déjà fortement cristallisé, ce qui explique son succès encore mitigé dans cette matière.

En effet, à ce stade, chaque partie a souvent fini par ne plus voir que les points forts de son dossier, en en occultant les points faibles, alors que la réalité est presque toujours beaucoup plus nuancée, car il est rare que les torts soient imputables exclusivement à une seule des parties.

C'est pourquoi il est recommandé de recourir à la médiation (judiciaire ou conventionnelle selon les situations) le plus tôt possible ! D'autant que ce process n'empêche pas de revenir aux solutions plus « traditionnelles » en cas - rare - d'échec.

Ainsi, si la médiation peut être la solution à tous les stades du contentieux social, il convient également de penser à y recourir pendant l'exécution du contrat de travail, et notamment dans les cas suivants : conflits relationnels (individuel ou collectif), situation de blocage, négociation d'un accord (obligatoire ou pas), interprétation d'une clause de contrat (le plus souvent en relation avec la rémunération), mise en place d'un règlement intérieur, risques psychosociaux...

Comment ?

Le DRH ou le dirigeant qui souhaitent favoriser le développement du recours à la médiation dans l'entreprise peuvent agir en ce sens en modifiant leurs documents internes et en invitant leurs avocats à étudier sérieusement cette possibilité.

En effet, si l'insertion d'une clause de médiation dans les contrats de travail ne peut faire obstacle à la saisine directe du conseil de prud'hommes en cas de conflit (avis de la Cour de cassation du 14 juin 2022 n° 22-70.004), elle a en général pour effet d'inciter fortement les parties à utiliser cette voie avant de recourir au contentieux.

De même, le choix d'avocats ayant l'habitude d'accompagner leurs clients en médiation accroîtra les chances de se voir proposer cette solution, lorsque les difficultés rencontrées s'y prêtent et notamment dans les conflits où le facteur humain est particulièrement présent, à savoir dans les petites entreprises ou au sein d'un département, ou encore lorsque les salariés concernés ont une grande ancienneté ou ont des liens familiaux ou d'associations, c'est-à-dire, de manière générale, à chaque fois que la relation doit être préservée.

Ces solutions favorisant le recours à la médiation conventionnelle permettent de recourir à la médiation pour résoudre ces conflits, sans attendre l'initiative du juge !

Ainsi, la médiation, dispositif permettant dans la plupart des cas de désamorcer de façon durable, rapide, peu coûteuse et confidentielle la plupart des conflits en entreprise, est un outil supplémentaire et puissant à ne pas oublier, dont l'avenir s'annonce prometteur dans un monde où tout a tendance à s'automatiser et où le facteur humain deviendra nécessairement un atout majeur.