Stratégies d'acquisition de ses locaux professionnels

par Élise Fustinoni
Mercredi 26 février 2025

Parlons de stratégie car il y a toujours un objectif sous-jacent. Il est unique et correspond au besoin du client. Il n'est pas industrialisable. À chaque fois, il doit y avoir de la cohérence, de l'anticipation et de la prévention dans le choix réalisé. Propriété directe des locaux par l'entreprise d'exploitation

C'est la société d'exploitation (SE) qui acquiert l'immeuble avec la fiscalité propre aux bénéfices industriels et commerciaux (BIC) ou à l'impôt sur les sociétés (IS) qui s'applique.

Avantages de ce mode de détention :

Le contrôle total du bien et la sécurité du maintien dans ses locaux. Le financement de cette acquisition est facilité en pouvant utiliser une partie de la trésorerie de l'activité. Elle permet l'exonération du bien immobilier en matière d'impôt sur la fortune immobilière (IFI) en tant que bien professionnel. Le bien sera amorti (charge comptable déductible), la déduction des intérêts d'emprunt du crédit ayant servi à l'acquisition sera possible, ainsi que ceux relatifs aux frais d'acquisition de l'immeuble. La récupération de la TVA sur les travaux réalisés ou sur la construction de l'immeuble s'il s'agit d'un immeuble neuf sera aussi possible.

Inconvénients de ce mode de détention :

L'immobilier et l'exploitation ne sont pas séparés, il y a un risque en cas de procédure collective de la société. C'est moins souple en cas de cession ultérieure de la société (prix de la SE plus élevé donc moins de repreneurs potentiels) et en cas de transmission future aux enfants : si un enfant est repreneur et l'autre non. Il y a un risque de sous-estimation du prix de l'immeuble par les repreneurs plus intéressés par l'outil de production. Enfin, les contraintes fiscales sont plus fortes en cas de vente de l'immeuble par la société lorsque le dirigeant veut récupérer cette trésorerie.

Afin de faciliter la cession de l'entreprise, et de conserver l'immeuble d'entreprise dans le cadre familial, une des préconisations consiste en la remise de la pleine propriété ou nue-propriété de l'immeuble d'entreprise par la distribution de dividendes. Il s'agit d'une stratégie d'anticipation car il est nécessaire que les réserves de l'entreprise soient à la hauteur de la distribution. L'apport partiel d'actif peut aussi être envisagé. La société existante pourrait apporter sa branche complète et autonome d'activité (à l'exception des actifs immobiliers) à une nouvelle société spécialement constituée à cet effet et lui consentir un bail commercial.

Achat en direct ou via une société civile immobilière (SCI)

La grande majorité des entrepreneurs préfère acheter personnellement l'immobilier d'exploitation pour ensuite le mettre en location au profit de l'entreprise : en versant un loyer au chef d'entreprise, ce dernier se constitue un patrimoine grâce aux bénéfices de son entreprise. Ils constituent aussi parfois une société pour détenir des biens immobiliers, permettant à plusieurs investisseurs de détenir des parts.

Pour la société d'exploitation : l'entreprise pourra simplement déduire les loyers payés.

Pour l'entrepreneur en direct : fiscalement, il pourra déduire les intérêts d'emprunt et récupérer la TVA sur option dès lors que les loyers sont soumis à la TVA mais il ne pourra pas déduire les amortissements comptables liés à une fiscalité aux BIC ou à l'IS ni déduire les frais d'acquisition de l'immeuble (frais de notaire + frais de négociation de l'agence immobilière). Sauf s'il fait le choix d'une SCI avec une option à l'impôt sur les sociétés.

Les avantages sont la flexibilité dans la gestion et la transmission du patrimoine, ainsi que la possibilité de bénéficier d'avantages fiscaux. Du côté des inconvénients de la SCI, figurent les coûts de création et de gestion de la société, la complexité administrative, la responsabilité des associés.

Démembrement des murs professionnels

L'entreprise finance l'usufruit de l'immeuble (US), le chef d'entreprise finance la nue-propriété de l'immeuble (NP). Il s'agit d'une stratégie « mixte » en parfaite adéquation avec la stratégie de l'entreprise et de l'entrepreneur.

Ce schéma ne pourra être retenu que si les trois critères suivants sont cumulativement réunis : pertinence économique du montage pour les deux parties, signature d'une convention entre le NP et l'US permettant d'en régir les modalités et valorisation non contestable et transparente des droits démembrés.

La valeur de l'usufruit et celle de la nue-propriété seront déterminées selon leur valeur économique, en fonction du niveau de rendement de l'immeuble, de la valeur du bien et de la durée définie par les parties. Attention à la justification de cette ventilation. Il faut avoir recours à un expert immobilier agréé pour que les paramètres retenus soient transparents et non contestables par l'administration fiscale.

L'usufruit permet à l'entreprise une libre utilisation du bien sans avoir les contraintes liées à un bail commercial lorsqu'elle est simplement locataire de l'immeuble. Fiscalement, l'entreprise propriétaire de l'usufruit pourra déduire les intérêts d'emprunt liés au crédit ayant permis l'acquisition de l'immeuble, déduire les frais d'acquisition de l'immeuble et amortir l'usufruit de l'immeuble sur la durée du démembrement.

Le chef d'entreprise doit obligatoirement avoir la possibilité de recourir à un emprunt ou avoir les fonds nécessaires pour cette acquisition. Fiscalement, les intérêts d'emprunt liés à l'acquisition de la nue-propriété ne sont pas déductibles. Le dirigeant en direct ou par l'intermédiaire de la société civile sera le plein propriétaire de l'immeuble à terme, à l'extinction de la durée temporaire définie de l'usufruit. À cette échéance, il percevra des revenus fonciers.

Le bail à construction

C'est une détention « hybride » de l'immeuble d'entreprise par le chef d'entreprise. Il s'agit d'un contrat de location à longue durée, comprise entre 18 et 99 ans, par lequel le preneur (société d'exploitation) s'engage, pour l'essentiel, à bâtir des constructions sur le terrain du bailleur (chef d'entreprise).

Le bailleur a la capacité juridique à vendre et à transférer la propriété d'un bien.

Le preneur a l'obligation de réaliser des constructions sur le terrain du bailleur, de réhabiliter ou d'améliorer des édifices. Il dispose de droits réels sur la surface du sol : hypothéquer, céder ses droits, les apporter à une société, consentir des servitudes indispensables à la réalisation des constructions. Il doit mettre en valeur le bâtiment. Il est tenu de garder ces constructions en bon état d'entretien et de faire des réparations de toute nature. Il reste tenu des charges, taxes et impôts relatifs aux constructions et terrain. Il conserve la propriété du sol pendant toute la durée du bail.

Le bail à construction est obligatoirement publié au service de publicité foncière. Il bénéficie d'une grande liberté contractuelle : il peut être rédigé par acte notarié ou sous seing privé, mais il sera déposé aux minutes d'un office notarial. Le loyer peut prendre différentes formes : paiement d'un loyer en numéraire périodique ou non, remise des constructions en fin de bail, remise en cours de bail d'immeuble ou de fractions d'immeuble construits par le preneur ou de titres, l'édification d'un immeuble sur le terrain du bailleur autre que celui donné à bail. La fiscalité des loyers relève des revenus fonciers.

Au terme du bail, le bailleur du terrain devient propriétaire des constructions édifiées et profite des améliorations réalisées.

Conclusion

Chaque mode de détention a ses caractéristiques propres et le choix dépendra des besoins spécifiques de l'entreprise, de sa stratégie financière et de ses objectifs à long terme. Si vous avez des questions spécifiques sur l'un de ces modes, n'hésitez pas à demander à votre expert-comptable ! Il ne faudra pas négliger le régime matrimonial du dirigeant qui va investir. Cela peut avoir un impact, et pas des moindre en cas de cession, de divorce ou de décès.