Les résidences de tourisme et leurs baux commerciaux
Les baux commerciaux signés au sein des résidences de tourisme, s'ils sont tout autant soumis au statut d'ordre public, présentent certaines particularités qui peuvent dérouter les propriétaires bailleurs. Voici quelques rappels pour faire le point.
Définition
Le bail commercial est un bail de locaux auxquels les parties donnent une destination commerciale, industrielle ou artisanale. Il est soumis à un statut dérogatoire au droit commun, conférant au preneur le droit à la « propriété commerciale ».
Le contrat de bail commercial
La formation du contrat de bail commercial suppose l'accord de volonté entre le bailleur et le preneur, exempt de vices sur les éléments essentiels du contrat (nature du contrat, désignation des locaux, activités autorisées, respect de l'article L. 631-7 du Code de la construction et de l'habitation...).
Souvent, le bailleur d'un appartement en résidence de tourisme a acquis son bien lors de la construction du programme, et il signe le bail commercial qui lui est présenté par l'exploitant de la résidence, lequel est fréquemment une société appartenant au même groupe que le promoteur ayant réalisé la résidence de tourisme.
Il existe alors déjà une certaine discordance d'intérêts entre les parties : le bailleur d'une part (souvent un particulier investisseur qui, pour la majorité, n'a pas grande habitude de signer des baux commerciaux) et le preneur d'autre part (lequel est un professionnel du secteur de la gestion immobilière et des résidences de tourisme).
La rédaction est donc, dans la quasi-totalité des cas, effectuée dans l'intérêt du preneur, en dehors des dispositions d'ordre public du statut des baux commerciaux, auxquelles les parties ne peuvent valablement déroger.
Le contrat de bail commercial devient alors presque un contrat d'adhésion, le bailleur n'ayant généralement pas le poids suffisant pour discuter des clauses contractuelles.
La durée du bail
Le bail commercial est conclu impérativement pour une durée égale ou supérieure à neuf ans, en application de l'article L145-4 du Code de commerce.
Les modalités de résiliation
Chaque partie a, sauf exception, la faculté de résilier le bail à l'expiration de chaque période triennale.
Le preneur peut le résilier sans avoir à invoquer un motif, alors que le bailleur doit justifier de l'un des motifs prévus par l'article L145-17 et suivants du Code de commerce.
La spécificité des résidences de tourisme
La loi de développement et de modernisation des services touristiques du 22 juillet 2009 a introduit dans le Code de commerce une disposition particulière relative à la durée des baux conclus entre les propriétaires et les exploitants de résidences de tourisme pour interdire à l'exploitant la faculté de donner congé à l'expiration d'une période triennale, afin que les baux aient une durée ferme de neuf années.
La question a été posée aux juridictions saisies de savoir si cette disposition est limitée au bail initial, ou si elle persiste dans les baux renouvelés.
Ce que dit la jurisprudence
La jurisprudence a été divisée jusqu'aux arrêts rendus par la cour de Cassation le 7 septembre 2023.
La haute juridiction a précisé que le bail commercial renouvelé, quand bien même il porte sur des résidences de tourisme, n'est soumis qu'au seul article L. 145-12 du Code de commerce, lequel permet explicitement l'application des dispositions relatives à la résiliation par le locataire par échéances triennales.
Les modalités du congé
Le bail commercial s'éteint en principe par la délivrance d'un congé (avec ou sans offre de renouvellement) pour le terme convenu, mais il peut s'éteindre de manière anticipée par résiliation.
Cependant, le bail commercial ne s'éteint jamais par la simple échéance de son terme.
S'il entend refuser le renouvellement, le bailleur doit verser une indemnité d'éviction, sauf en cas de motif grave et légitime (le paiement irrégulier du loyer a été jugé comme n'étant pas un motif grave et légitime suffisant).
L'indemnité d'éviction doit, idéalement, représenter pour le locataire la compensation financière exacte des avantages que lui aurait apportés le renouvellement.
Le congé doit être délivré selon les stipulations contractuelles, et dans tous les cas dans un délai minimum de six mois avant l'échéance du bail, par acte extrajudiciaire (c'est-à -dire délivré par commissaire de justice).
Si ce congé est délivré sans offre de renouvellement mais avec offre d'une indemnité d'éviction, le bailleur n'a pas l'obligation de préciser dans le congé le montant de l'indemnité d'éviction qu'il propose.
Attention aux stipulations contractuelles
Certains baux commerciaux (souvent rédigés depuis plus de dix ans) stipulaient une diminution, puis une absence d'indemnité d'éviction au fur et à mesure des années que le bail commercial se poursuivrait après le délai de neuf ans (souvent pour la onzième année).
La jurisprudence a estimé que ce type de stipulation contractuelle (quand bien même c'est le preneur qui tenait la plume pour la rédaction du bail) est contraire au statut des baux commerciaux en faisant échec au droit au renouvellement, disposition
d'ordre public contre laquelle il est impossible de stipuler.
Il est donc important pour un bailleur de ne pas se fier à toutes les stipulations contractuelles signées. Prendre conseil avant d'agir s'avère particulièrement opportun dans ce cas.
À défaut d'accord avec son preneur, le bailleur sera contraint de solliciter une mesure d'expertise judiciaire de nature à faire fixer le montant de l'indemnité d'éviction due à son preneur.
Il convient de souligner que le preneur ne sera tenu de libérer le local qu'à compter du paiement de ladite indemnité d'éviction.
Cependant, tant qu'il n'a pas libéré le local, le preneur doit continuer à verser son loyer au bailleur, selon les modalités fixées au contrat auquel il a été mis fin.
C'est dans ces conditions que, souvent, le preneur « traîne les pieds » pour faire fixer l'indemnité d'éviction, car c'est son intérêt : il peut continuer à exploiter l'appartement pour lequel il a reçu congé (certains preneurs vont même favoriser la mise en location de l'appartement pour lequel ils ont reçu congé afin d'augmenter le chiffre d'affaires lié audit appartement, qui servira de base à la fixation de l'indemnité d'éviction).
Il appartient alors au bailleur d'ĂŞtre proactif et d'agir s'il entend pouvoir confier la gestion de son appartement Ă un autre exploitant.