Prévention des incendies : le notaire à l'épreuve du feu

par Sébastien Pomel
Lundi 17 mars 2025

Afin de réduire les risques d'incendie, tous les acteurs institutionnels, entreprises et particuliers sont sollicités, y compris le notariat français qui s'est vu confier de nouvelles missions relatives au débroussaillement et au droit de préemption des communes pour la défense de la forêt contre les incendies.

Avec 15 millions d'hectares de forêts, soit un peu plus du quart du territoire national, la France est au troisième rang des pays les plus boisés d'Europe, avec en contrepartie un risque d'incendie accru sur notre territoire. En 2022, 62 000 ha de forêts et 10 000 ha de végétation ont brûlé (source : ministère de la Transition écologique). Les événements récents nous rappellent les risques y compris dans notre région, en témoigne l'incendie du 5 mars 2025 sur la commune de Saint-Jeoire-Prieuré, proche du mont Saint-Michel.

Face à cette situation, le débroussaillement et le droit de préemption des communes pour la défense de la forêt contre les incendies restent des outils qui participeront à la diminution des risques d'incendie.

Obligations légales de débroussaillement (OLD)

Textes de loi

La loi n° 2023-580 du 10 juillet 2023 renforce les obligations des propriétaires concernant le débroussaillement, afin de prévenir les incendies. Le débroussaillement est défini comme une opération visant à réduire les combustibles végétaux pour diminuer l'intensité des incendies, en assurant une rupture de la continuité du couvert végétal (Code forestier, art. L. 131-10).

L'article L. 134-16 du Code forestier dispose que la mutation d'un terrain concerné par une obligation de débroussaillement est conditionnée au respect de cette obligation.

Le décret du 29 mars 2024 précise aux termes de l'article D 134-7 du Code forestier : « [...] le cédant d'un terrain, d'une construction, d'un chantier ou d'une installation, concerné par une obligation de débroussaillement ou de maintien en l'état débroussaillé résultant du présent titre, atteste sur l'honneur de ce qu'il y a été satisfait dans le respect des prescriptions légales et réglementaires,  [...]L'attestation sur l'honneur est annexée, selon le cas, à la promesse de vente ou au contrat préliminaire, ainsi qu'à l'acte authentique de vente. »

Obligations légales de débroussaillement (OLD) et pratique notariale

Identification des parcelles concernées : à partir du 1er janvier 2025, les OLD sont mentionnées dans les plans locaux d'urbanisme (PLU) et les cartes communales et doivent figurer dans l'état des risques et pollution, annexé aux actes de vente (article L.125-5 alinéa 1 du Code de l'environnement).

Un outil informatique est à disposition des acteurs et du grand public via le site géoportail (https://www.geoportail.gouv.fr/donnees/debroussaillement).

Propriétaires concernés : la loi impose des OLD dans les zones boisées, forêts, landes, maquis et garrigues exposées au risque incendie, ainsi que dans la zone périphérique (jusqu'à 200 mètres autour).

Dès lors qu'il existe une habitation, une construction, une installation de toute nature ou une voirie située dans ce zonage (c'est-à-dire, à l'intérieur ou à moins de 200 mètres d'un massif forestier, d'une lande, d'un maquis ou d'une garrigue), il est nécessaire de débroussailler sur une profondeur de 50 mètres autour de ces équipements.

Actions à entreprendre : lors de la mutation, le cédant doit informer le futur propriétaire de l'OLD.

Par ailleurs, le propriétaire doit attester sur l'honneur qu'il a satisfait à son obligation de débroussaillement.

L'attestation sur l'honneur est annexée, selon le cas à l'avant-contrat de vente, ainsi qu'à l'acte authentique de vente.

Sanctions : le non-respect de l'obligation de débroussaillement peut entraîner la nullité de l'acte de vente.

Le notaire a l'obligation de vérifier que le débroussaillement a été effectué et ne devrait pas se contenter d'une simple attestation
sur l'honneur.

Le notaire est un technicien du droit et n'a pas à se rendre sur place. Une attestation du maire de la commune ou d'une entreprise spécialisée ayant réalisé les travaux pourrait corroborer le respect de cette obligation.

Pour le propriétaire négligent, les sanctions peuvent être les suivantes :

- Sanction pénale : faute de procéder aux travaux de débroussaillement le propriétaire d'un terrain encourt l'amende prévue pour les contraventions de cinquième classe (1 500 euros) (art. R. 163-3 du Code forestier).

- Travaux effectués d'office : l'article L. 134-9 du Code forestier précise qu'en cas de carence des intéressés, la commune pourvoit d'office au débroussaillement après mise en demeure du propriétaire et à la charge de celui-ci.

- Majoration des franchises en matière d'assurance : l'article L. 122-8 du Code des assurances prévoit que si l'assuré ne s'est pas conformé à ses obligations de débroussaillement, l'assureur pourra lui imposer lors d'un sinistre, en sus des franchises prévues au contrat, une franchise supplémentaire d'un montant maximum de 5 000 euros.

En complément de ces obligations légales de débroussaillement, et afin de renforcer le contrôle des zones à risques, a été créé un nouveau droit de préemption au profit des communes.

Droit de préemption de la commune pour la défense des forêts contre les incendies (DFCI)

Textes de loi

La loi n° 2023-580, du 10 juillet 2023, introduit un droit de préemption pour les communes afin de protéger les forêts contre les incendies (DFCI).

Droit de préemption de la commune pour la défense
des forêts contre les incendies (DFCI) et pratique notariale

Ce droit de préemption s'applique aux ventes de propriétés classées en bois et forêt au cadastre, lesdites propriétés ne devant pas être dotées d'un document de gestion (plan simple gestion, règlement type gestion...).

Ce droit de préemption s'applique sans condition de superficie sur les parcelles concernées.

Champ d'application : la propriété vendue doit être située dans un massif forestier, inclus dans un plan départemental ou interdépartemental de protection contre les incendies (PDPFCI ou PIDPFCI).

Ce droit de préemption est applicable uniquement dans les départements concernés, listés dans l'arrêté du 6 février 2024, les plus proches de nos secteurs étant l'Ardèche ou la Drôme. Compte tenu du réchauffement climatique et des événements récents (incendie de Voreppe (38) en 2022, incendie de Saint-Jeoire-Prieuré (73) en 2025), nos départements pourraient à terme être concernés.

La tâche revenant au notaire de déterminer, à partir des seules références cadastrales d'une parcelle, si celle-ci se situe ou non dans un massif forestier inclus dans le plan, n'est pas aisée en l'absence de création d'un outil cartographique, à la différence des obligations de débroussaillement facilement identifiables sur le site Géoportail.

Il est également possible d'interroger les mairies et de se tourner vers les principaux acteurs de la forêt, à savoir l'Office national des forêts (ONF) et les CRPF.

Procédure : le notaire doit notifier à la mairie, par lettre recommandée avec accusé de réception, avec un délai de deux mois pour que la commune exerce ou non son droit.

Comme nous l'avions indiqué dans un article précédent (voir La Vie nouvelle du 19 décembre 2024), de nombreux droits de préemption ou de préférence s'appliquent en matière forestière lors de la vente d'un bien classé en nature de bois au cadastre.

Ici, le droit de préemption DFCI ne prime pas le droit de préemption de l'État, mais prime le droit de préemption de la commune, ainsi que les droits de préférence des voisins et de la commune.

La violation du droit de préemption peut entraîner la nullité de la vente.

Conclusion

Les outils légaux se multiplient pour la protection des forêts et éviter les incendies.

Le notaire est un acteur de cette protection, en informant les propriétaires sur les obligations légales liées à la préservation des espaces naturels. Ainsi, son action contribue à protéger non seulement le patrimoine foncier, mais aussi l'écosystème forestier.