L'adoption de l'enfant de l'autre membre du couple : nouvelles modalités

par Mathilde Brochier Rabatel
Mercredi 19 mars 2025

Pendant longtemps, l'adoption a permis de donner des parents à un enfant ou un enfant à un couple. Aujourd'hui, l'adoption permet également de souder et d'officialiser les liens existant entre les membres d'une famille recomposée et de se lier à l'enfant de l'autre. Le principal apport de la loi du 21 février 2022 portant réforme de la filiation adoptive est l'assimilation du couple de partenaires ou de concubins au couple marié. L'adoption de l'enfant du conjoint devient donc l'adoption de l'enfant de « l'autre membre du couple ».

Quels sont les conditions et les effets d'une adoption plénière ou simple de l'enfant de l'autre membre du couple ? Précisons à titre liminaire que les conditions légales de l'adoption doivent être remplies à la date de la requête en adoption, mais qu'aucun texte ne prévoit que le parent de l'adopté soit vivant lors de cette requête pour pouvoir bénéficier des règles y afférentes.

Conditions pour les adoptions simples et plénières

Si dans le droit commun, il faut être âgé d'au moins 26 ans pour prétendre à adopter, l'adoption de l'enfant de l'autre membre du couple n'est soumise à aucune condition d'âge de l'adoptant. Il doit exister une différence d'âge de dix ans entre l'adoptant et l'adopté, mais il peut être dérogé à cette règle s'il existe de justes motifs.

L'adoption jusqu'alors réservée aux couples mariés a été étendue, depuis la réforme, aux couples de partenaires et de concubins.

Il faut également rappeler que l'on ne peut être adopté qu'une seule fois : c'est-à-dire que si les deux parents de l'enfant ont refait leur vie, l'enfant ne pourra être adopté que par l'un de ses beaux-parents. Dans le cas de l'adoption de l'enfant de l'autre membre du couple, il peut toutefois y avoir des exceptions :

- Si l'enfant a été adopté par un couple dont l'un des membres est décédé, l'enfant pourra alors être adopté par le nouveau conjoint, partenaire ou concubin du parent survivant.

- Si l'enfant a été adopté par une seule personne, il pourra être adopté en la forme simple par l'autre membre du couple.

Différents consentements sont nécessaires pour constituer le dossier d'adoption :

- Les parents doivent consentir à l'adoption de leur enfant mineur. Ce consentement est recueilli par un notaire après les avoir informés des conséquences de leur acte. Le ou les parents peuvent rétracter leur consentement pendant un délai de deux mois en adressant une lettre recommandée avec accusé de réception au notaire qui les a reçus. À l'expiration de ce délai, le notaire dresse une attestation de non-rétractation qui sera jointe à la requête en adoption.

- L'enfant de plus de 13 ans doit consentir à son adoption aux termes d'un acte reçu par un notaire qui l'informe des conséquences de cette dernière. L'adopté dispose d'un droit de rétractation jusqu'au prononcé de l'adoption.

- Il convient également de recueillir le consentement du conjoint ou du partenaire de l'adoptant. Ce consentement peut être recueilli pas tous moyens, sauf si l'adopté est mineur : dans cette hypothèse, le recours au notaire est obligatoire.

Il n'y a pas de condition spécifique pour l'adoption simple de l'enfant de l'autre membre du couple, qui est permise quel que soit l'âge de l'adopté.

A contrario, l'adoption plénière n'est en principe possible que pour les enfants de moins de 15 ans et par exception, l'adoption de l'enfant de l'autre membre du couple est possible jusqu'à ses 21 ans. L'adopté doit avoir été recueilli au foyer de l'adoptant pendant un délai de six mois au moins avant le dépôt de la requête en adoption.

Requête en adoption

L'adoptant dépose sa requête en adoption devant le tribunal judiciaire de son domicile. Le recours à un avocat est obligatoire, sauf dans le cas où l'adopté a été recueilli au domicile de l'adoptant avant ses 15 ans. L'adoptant présente alors sa requête sur papier libre ou via un imprimé Cerfa disponible en ligne.

Même si l'ensemble des conditions est réuni, l'adoption reste toujours subordonnée au contrôle du juge et à la vérification de sa conformité avec l'intérêt de l'adopté. Le tribunal dispose d'un délai de six mois pour statuer.

Les effets de l'adoption plénière

Par principe, l'adoption plénière rompt les liens avec la famille d'origine. Par dérogation, le lien de filiation résultant de l'adoption plénière de l'enfant de l'autre membre du couple s'ajoute à celui existant avec le conjoint, partenaire ou concubin de l'adoptant. L'enfant adopté conserve sa filiation d'origine avec le parent partageant la vie de l'adoptant, mais perd définitivement toute filiation à l'égard de son autre parent.

Grâce à l'adoption plénière, les deux membres du couple sont co-titulaires de l'autorité parentale qu'ils exercent en commun.

L'adopté prend en principe le nom de l'adoptant, mais le couple peut choisir, par déclaration conjointe, soit le nom de l'un d'eux, soit leurs deux noms accolés dans l'ordre de leur choix. Si le couple a déjà un enfant, le nom de ce dernier s'impose à l'adopté mineur. L'adopté majeur doit toujours consentir à son changement de nom.

L'enfant adopté hérite de ses deux parents et de la famille de ceux-ci.

Les effets de l'adoption simple

L'adoption simple crée un lien entre adoptant et adopté qui s'ajoute à la filiation d'origine sans la faire disparaître.

L'adoptant devient co-titulaire de l'autorité parentale avec l'autre membre du couple qui en conserve, seul, l'exercice. L'adoptant et son conjoint, partenaire ou concubine peuvent décider d'exercer ensemble l'autorité parentale par déclaration conjointe au greffe du tribunal. Dans cette hypothèse, l'autre parent de l'enfant, qui n'est pas en couple avec l'adoptant, perd son autorité parentale. C'est cette raison qui provoque parfois le refus du tribunal de prononcer l'adoption simple d'un enfant mineur.

En matière de nom, le principe est l'adjonction du nom de l'adoptant au nom de l'adopté. L'adopté de plus de 13 ans doit consentir à cette adjonction. Il peut également décider de conserver son nom d'origine.

L'adopté hérite de ses deux familles mais n'a pas la qualité d'héritier réservataire à l'égard de ses grands-parents adoptifs.

Et la procréation médicale assistée (PMA) dans tout ça ?

L'adoption a été longtemps utilisée pour créer un lien juridique entre une femme et l'enfant né de sa conjointe grâce à une assistance médicale à la procréation faite à l'étranger ou non, avec un don de gamètes ou pas, en couple ou en tant que célibataire.

Le législateur, avec la loi bioéthique du 2 août 2021, a préféré consacrer un dispositif spécifique d'établissement de la filiation de l'enfant issu d'un couple de femmes. Celui-ci permet à la mère qui n'a pas accouché d'obtenir les mêmes droits et obligations que celle qui a accouché.

Il s'agit d'une reconnaissance anticipée de filiation faite par le couple aux termes d'un acte notarié en même temps que le recueil de leurs consentements à une demande d'assistance médicale à la procréation avec don de gamètes. La reconnaissance doit obligatoirement intervenir avant la conception de l'enfant.

Cette reconnaissance conjointe de filiation est transmise à l'officier d'état civil lors de la déclaration de la naissance.

La loi avait prévu un dispositif transitoire de reconnaissance conjointe a posteriori, qui a pris fin le 3 août 2024.

En conséquence, si la reconnaissance conjointe de filiation n'est pas établie avant la conception ou si le couple de femmes a omis d'établir une reconnaissance a posteriori, il ne restera que l'adoption pour établir la filiation à l'égard de la femme qui n'aura pas accouché. Une requête en adoption pourra être déposée dès les 6 mois de l'enfant.