Le dispositif zéro artificialisation nette des sols : entre objectifs et assouplissements
Alors que le Sénat vient d'adopter en première lecture un assouplissement de l'objectif de zéro artificialisation nette des sols, la proposition de loi doit poursuivre son parcours à l'Assemblée nationale, où elle devrait être inscrite à l'ordre du jour avant l'été. Explications sur les objectifs et les apports prévus par la loi.
La loi Climat et résilience votée en 2021 par le Parlement a fixé l'objectif d'atteindre « zéro artificialisation nette des sols » (ZAN) à l'échelle nationale en 2050.
Après l'adoption de la loi n° 2023-630 du 20 juillet 2023, visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols, le Sénat, en première lecture, a adopté la proposition de loi Tracé (trajectoire de réduction de l'artificialisation concertée avec les élus) le 18 mars dernier afin d'assouplir le dispositif.
Rappel du contexte et des objectifs
du dispositif initial de 2021
L'artificialisation des sols, c'est-à-dire la transformation d'espaces naturels, agricoles ou forestiers en zones urbanisées, constitue une préoccupation majeure en France. Chaque année, environ 20 000 hectares sont artificialisés. Pour répondre à cette problématique, la loi Climat et résilience du 22 août 2021 a fixé l'objectif ambitieux de parvenir à « zéro artificialisation nette » (ZAN) d'ici 2050, avec une étape intermédiaire visant à réduire de moitié la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers d'ici 2031.
Cependant, la mise en œuvre de ces objectifs a soulevé des difficultés pratiques et juridiques pour les collectivités territoriales, notamment en termes de planification et d'adaptation aux réalités locales. C'est dans ce contexte que la loi du 20 juillet 2023 a été adoptée, afin de faciliter l'application des objectifs ZAN et d'accompagner les élus locaux dans cette transition.
Principales dispositions de la loi du 20 juillet 2023
Adaptation des documents de planification
Les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet) doivent intégrer les objectifs de réduction de l'artificialisation. La loi accorde un délai supplémentaire pour cette intégration, reconnaissant les défis auxquels sont confrontées les collectivités dans l'adaptation de leurs documents d'urbanisme.
Prise en compte des spécificités locales
Afin de répondre aux particularités des territoires, la loi introduit des mesures spécifiques pour les communes rurales et les petites communes. Notamment, elle garantit une enveloppe minimale d'artificialisation d'un hectare pour chaque commune couverte par un document d'urbanisme, permettant ainsi de soutenir leur développement tout en respectant les objectifs nationaux.
Exclusion de certains projets du décompte de l'artificialisation
La loi prévoit que les projets d'ampleur nationale ou européenne, présentant un intérêt général majeur, ne seront pas comptabilisés dans les objectifs de réduction de l'artificialisation pour la première période décennale. Cette disposition vise à concilier les impératifs de développement économique avec les objectifs environnementaux.
Nouveaux outils pour les collectivités
Les collectivités disposent désormais de nouveaux instruments pour lutter contre l'artificialisation des sols, notamment la possibilité de surseoir à statuer, un droit de préemption spécifique et la faculté de refuser des autorisations d'urbanisme en fonction des enjeux liés à l'artificialisation.
Implications pour les collectivités territoriales
La loi du 20 juillet 2023 offre aux collectivités territoriales un cadre juridique assoupli et des outils adaptés pour atteindre les objectifs de réduction de l'artificialisation des sols. Elle reconnaît la nécessité d'une approche différenciée, tenant compte des réalités locales, et renforce le rôle des élus locaux dans la gouvernance de cette politique.
Les collectivités devront adapter leurs documents d'urbanisme, intégrer les nouvelles mesures et veiller à une application cohérente des objectifs ZAN sur leur territoire.
Le cas spécifique des espaces végétalisés à valoriser
L'article L151-23 du Code de l'urbanisme dispose que « le règlement peut identifier et localiser les éléments de paysage et délimiter les sites et secteurs à protéger pour des motifs d'ordre écologique, notamment pour la préservation, le maintien ou la remise en état des continuités écologiques et définir, le cas échéant, les prescriptions de nature à assurer leur préservation. Lorsqu'il s'agit d'espaces boisés, il est fait application du régime d'exception prévu à l'article L. 421-4 pour les coupes et abattages d'arbres. Il peut localiser, dans les zones urbaines, les terrains cultivés et les espaces non bâtis nécessaires au maintien des continuités écologiques à protéger et inconstructibles quels que soient les équipements qui, le cas échéant,
les desservent ».
L'article R151-43 du Code de l'urbanisme précise quant à lui qu'« afin de contribuer à la qualité du cadre de vie, assurer un équilibre entre les espaces construits et les espaces libres et répondre aux enjeux environnementaux, le règlement peut : 4° Délimiter les espaces et secteurs contribuant aux continuités écologiques et définir des règles nécessaires à leur maintien ou à leur remise en état ».
Se pose alors la question de la validité d'un espace végétalisé à valoriser (EVV) si celui-ci s'applique à la totalité d'une parcelle. En effet, si le propriétaire foncier ne dispose que d'une seule parcelle et que celle-ci est entièrement planifiée en EVV au plan local d'urbanisme, cela confine à une véritable expropriation de fait, le propriétaire foncier ne pouvant valoriser son bien sous quelque forme que ce soit. La solution la plus équitable sera donc semble-t-il de répartir un EVV sur plusieurs parcelles contiguës afin de ne pas obérer tout projet sur la parcelle.
Principaux apports de la proposition de loi Tracé
adoptée par le Sénat le 18 mars 2025
Suppression de l'objectif intermédiaire de 2031 : la proposition de loi abroge l'objectif de réduction de moitié de l'artificialisation des sols d'ici 2031, offrant ainsi aux collectivités une plus grande flexibilité dans la gestion de leur consommation foncière.
Définition de trajectoires régionales : les régions peuvent désormais établir leurs propres trajectoires de réduction de la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers, avec un premier jalon intermédiaire fixé à 2034. Cette mesure vise à adapter les efforts de réduction aux spécificités territoriales.
Renforcement du rôle des élus locaux : la loi prévoit la création de conférences régionales élargies, incluant l'ensemble des communes de la région, et leur confère un pouvoir décisionnel accru dans la définition des objectifs de réduction de l'artificialisation.
Exemptions sectorielles : certaines opérations, telles que les implantations industrielles, les infrastructures de production d'énergie renouvelable et les constructions de logements sociaux dans les communes carencées, sont temporairement exemptées du décompte de la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers jusqu'en 2036.
Dépassement et bonification des enveloppes foncières : les collectivités locales bénéficient d'un droit de dépassement de 20 % de leurs enveloppes foncières et d'une bonification en cas de requalification de friches, y compris de bâtiments agricoles amiantés.