Les différents types de divorces

par Me Charles-Alexandre Camoz
Mardi 15 avril 2025

Bien que progressivement la proportion des couples mariés diminue au profit du maintien de relations de concubinage, ou d'une vie de couple encadrée par un Pacs, l'enjeu de la séparation des époux demeure une problématique importante, laquelle implique de s'intéresser au sujet du divorce.

Si de nos jours les couples mariés qui décident de divorcer peuvent privilégier un « divorce sans juge », il convient de rappeler que près de la moitié d'entre eux recourt à la voie judiciaire traditionnelle.

Les divorces « contentieux »

Lorsque l'on essaie de classifier les types de divorces une distinction est généralement retenue entre le divorce par consentement mutuel d'une part, et les divorces « contentieux » d'autre part. Nous employons des guillemets car, ainsi que nous allons le constater, certains de ces divorces n'emportent pas de véritable conflit entre les deux époux.

Les trois types de divorce judiciarisés

Le divorce pour faute

Historiquement, la société française a connu des périodes durant lesquelles seul le divorce pour faute était admis (ce qui pouvait entraîner des situations ubuesques dans lesquelles les époux pouvaient aller jusqu'à inventer des fautes !) ; de nos jours, le divorce pour faute ne correspond qu'à 10 % des jugements de divorce. La faute en question peut correspondre à un comportement violent, un abandon du domicile conjugal ou encore à un adultère. Ce fondement peut justifier une demande de versement de dommages et intérêts. Un tel divorce est complexe et nécessite une procédure judiciaire qui peut être longue, le juge devant examiner les faits et déterminer si la faute est avérée.

Le divorce pour altération définitive du lien conjugal

Ce type de divorce, correspondant à 30 % des jugements de divorce, peut être demandé par l'un des époux lorsque la communauté de vie a cessé. Il n'est pas nécessaire de prouver une faute de l'autre époux, seulement la séparation effective des deux époux. Autrefois, il fallait justifier d'une séparation remontant à plusieurs années, mais afin de renforcer le droit au divorce, une loi de 2019 permet désormais de demander le divorce après une année de rupture de la vie commune. Ce fondement permet à un époux d'obtenir le divorce, lorsque l'autre conjoint n'y est pas favorable et souhaite rester marié.

Le divorce pour acceptation du principe de la rupture du mariage

On parle également du divorce « accepté ». Ce fondement de divorce est très répandu en ce qu'il correspond à 60 % des jugements. Il est parfois confondu avec le divorce par consentement mutuel, car dans les deux situations, les époux sont tous deux d'accord pour divorcer, mais la différence tient à l'établissement des accords sur les conséquences du divorce. Le divorce par consentement mutuel implique de trouver un accord sur toutes les incidences du divorce (ainsi que nous le préciserons ci-après) ; le divorce « accepté » permet quant à lui de porter en justice les points de désaccord afin que les différends soient tranchés par le juge.

La particularité du divorce par consentement mutuel « judiciarisé »

On pourrait évoquer un quatrième type de divorce prononcé par jugement. Avant la réforme entrée en vigueur en 2017, le divorce par consentement mutuel impliquait lui aussi l'intervention d'un juge, et cela correspondait d'ailleurs à la majorité des jugements de divorce. Désormais, l'immense majorité des divorces par consentement mutuel sont contractuels, ainsi que nous l'expliquerons ci-après, mais pour autant il existe encore un cas d'exception dans lequel le juge joue encore un rôle dans les divorces par consentement mutuel : lorsqu'un des enfants mineurs des époux souhaite être entendu par le juge. Cette situation est extrêmement rare, si bien que seules quelques dizaines de jugements de divorce sont prononcées chaque année en vertu de cette procédure.

La procédure

La procédure judiciaire est très similaire pour les trois types de divorce dits « contentieux ». La demande en divorce est présentée soit par les deux époux ensemble par requête conjointe (notamment pour les divorces « acceptés »), soit par un seul époux qui assigne son conjoint en divorce (on pense en particulier aux divorces pour faute ou aux divorces pour altération définitive du lien conjugal). Les époux sont alors convoqués avec leurs avocats à une audience dite « d'orientation et de prise de mesures provisoires » (autrefois appelée audience sur tentative de conciliation). Cette audience permet au juge d'organiser la vie des deux époux durant cette phase provisoire, en attendant le prononcé du divorce. Il s'agit par exemple de régler provisoirement les questions de garde des enfants, d'occupation du logement, de répartition de la prise en charge des dépenses (telles que le remboursement des échéances d'un emprunt immobilier). Dans un second temps, se tiendra l'audience relative au divorce en tant que tel, puis un jugement de divorce sera prononcé par le juge. Les ex-époux retrouvent alors leur indépendance, ils ne sont plus tenus par les obligations de leur mariage et peuvent se remarier sans avoir à respecter un quelconque délai.

Attention toutefois car le jugement de divorce ne règle pas systématiquement toutes les difficultés entre les époux. Dans la majorité des cas, le jugement de divorce ne traite pas de la question de la liquidation du régime matrimonial des époux et du partage de leurs biens. C'est donc souvent après leur divorce que les époux consulteront un notaire pour régler ces sujets patrimoniaux, et s'ils ne parviennent pas à s'entendre à l'amiable, une deuxième procédure judiciaire devra être initiée avec leurs avocats pour permettre la réalisation du partage.

Le divorce par consentement mutuel déjudiciarisé

Le divorce par consentement mutuel est le divorce le plus usité en France. Que ce soit à travers les jugements d'homologation des accords de divorce par consentement mutuel jusqu'en 2016, puis les conventions de divorce établies par les avocats depuis 2016, ce type de divorce représente à lui seul la moitié des divorces chaque année.

Ce divorce peut être privilégié lorsque les deux époux sont d'accord sur le fait de divorcer, mais également sur l'organisation de toutes les conséquences du divorce.

Il s'agit de la procédure la plus simple, la moins coûteuse et la plus rapide (on peut parfaitement envisager une réalisation dans un délai de moins de deux mois, si la situation patrimoniale et familiale est peu complexe et que les époux sont immédiatement en accord sur tous les sujets).

Les époux seront nécessairement accompagnés par deux avocats (il n'est pas possible de signer la convention avec un avocat commun aux deux époux), lesquels élaboreront un projet de convention de divorce. Cette convention devra préciser que les deux époux souhaitent divorcer et elle précisera les accords des époux sur l'ensemble des incidences du divorce, telles que les modalités de garde des enfants, le montant d'une éventuelle pension alimentaire pour l'entretien et l'éducation des enfants, le droit de conserver le nom de son ex-époux comme nom d'usage, le montant d'une éventuelle prestation compensatoire que l'un des époux devra verser à l'autre pour compenser l'impact du divorce sur leurs futurs niveaux de vie respectifs, etc. La convention intégrera également la liquidation et le partage du régime matrimonial (pour la répartition des comptes bancaires, l'attribution des véhicules, des biens immobiliers, des prises en charge des remboursements d'emprunts, etc.), sauf à ce que ce point soit spécifiquement traité à travers un acte notarié. L'intervention du notaire à ce stade est effectivement obligatoire lorsque les époux sont propriétaires ensemble de biens immobiliers. Mais les époux peuvent également faire appel au service d'un notaire de manière volontaire (notamment lorsque leur régime matrimonial présente des spécificités : des parts de sociétés complexes à qualifier juridiquement, un régime matrimonial peu usuel tel qu'une participation aux acquêts ou une séparation de biens avec une société d'acquêts).

Une fois la convention de divorce établie, elle ne peut pas être signée immédiatement. Afin de s'assurer d'un consentement clair, non équivoque et parfaitement réfléchi de chacun des époux, les avocats doivent au préalable leur notifier le projet de la convention par courrier recommandé avec accusé de réception. Passé un délai de quinze jours, la convention peut alors être signée par les deux époux et les deux avocats. Enfin, les avocats communiquent (sous un délai de sept jours maximum) la convention et ses annexes à un notaire, lequel devra réaliser, sous un délai de quinze jours maximum, un acte de dépôt de la convention, lequel acte emporte l'effectivité du divorce.