La facturation électronique : quelle préparation pratique ?

par Pascal Martin-Retord
Jeudi 17 avril 2025

En 2025, même si tout n'est pas encore en place, l'heure est venue de passer à la pratique. Nous avions brièvement abordé la démarche dans notre dernier article paru en septembre dernier dans  La Vie nouvelle. Nous amplifions ici le propos.

Depuis notre article (voir La Vie nouvelle du 27 septembre 2024), l'élément nouveau est le recentrage du portail public de facturation (PPF), qui devrait d'ailleurs perdre sa dénomination initiale, sur deux fonctions de base : un rôle de concentrateur de données et une fonction d'annuaire central. La troisième fonction initialement prévue consistant à proposer aux entreprises une solution basique mais gratuite pour émettre et recevoir des factures électroniques est abandonnée : chacun devra recourir à un opérateur privé : une plateforme de dématérialisation partenaire (PDP).

Mettre à jour des outils matériels et logiciels

Tenir à jour ses outils matériels et logiciels est, par principe, l'une des premières mesures de sécurité informatique. En cette période de déploiement de la facturation électronique, c'est une exigence renforcée pour intégrer sans délai les évolutions.

Identifier les flux de facturation entrants et sortants

Le travail préparatoire de chaque entreprise consiste à étudier d'une part son flux de facturation sortant (le chiffre d'affaires) et d'autre part son flux de facturation entrant (les factures d'achat et justificatifs de charges assimilés).

Du côté du chiffre d'affaires, quatre situations différentes sont à distinguer en parcourant son fichier client :

- Les factures adressées par un assujetti à la TVA à un autre assujetti à la TVA, qui relèveront de l'obligation de e-invoicing (facturation électronique) ;

- Les factures adressées à un organisme public, à transmettre comme c'est déjà le cas par le portail Chorus pro (format UBL) ;

- Les factures émises dans d'autres situations, qui relèveront de l'obligation de e-reporting (déclaration périodique du flux de facturation à l'administration) ;

- Le chiffre d'affaires réalisé sans facture, notamment dans le commerce de détail, qui relèvera aussi de l'obligation de e-reporting.

Rappelons deux points d'attention :

- Une facture électronique est un message structuré et non pas un simple fichier PDF et a fortiori pas une mauvaise photo (JPG, PNG...) d'un document sur support papier ;

- L'obligation de e-invoicing s'applique dès la première facture concernée.

Une analyse symétrique est à conduire en parcourant ses factures d'achat. Par construction, chaque fournisseur de l'entreprise sera confronté à la problématique précédente : l'un devra obligatoirement émettre des factures électroniques normalisées, alors que l'autre pourrait en être dispensé en raison de sa situation.

Souvent, cette étude mettra en évidence des situations particulières. Les notes de frais sont un exemple. Emergera ainsi la question inévitable « Comment fera-t-on dans le cas où... ? ». Dans la terminologie en vigueur, ces situations particulières sont dénommées « cas d'usage ». Plusieurs dizaines ont déjà été identifiées et font l'objet d'une analyse circonstanciée dans la source documentaire officielle complète, dont il est impératif de connaître l'existence : les « spécifications externes » de la facturation électronique, en libre accès à l'adresse : https://www.impots.gouv.fr/specifications-
externes-b2b.

Ces spécifications externes sont amplifiées et mises à jour régulièrement. Au moment de rédiger ces lignes, la dernière version en date est la V 3.0 datée du 18 décembre 2024.

Rechercher et tester les solutions pratiques envisagées

Sur la base de l'état des lieux précédent et que ce soit en émission ou en réception, chacune des situations particulières identifiées requiert une analyse circonstanciée :

- Suis-je concerné par le canal Chorus pro et suis-je en mesure de le mettre en œuvre ? Ce canal obligatoire existant depuis maintenant plusieurs années, la réponse est généralement positive. Mais il n'est pas inutile de la confirmer.

- Suis-je capable d'émettre une facture électronique normalisée, généralement au format Factur-X (plus rarement UBL ou CII) et comment ? Quelles sont les évolutions prévues de mon logiciel de facturation ?

- Mon logiciel de caisse est-il conforme aux exigences fiscales ? Répondra-t-il à l'obligation de e-reporting ?

- Mon logiciel comptable, éventuellement épaulé par un logiciel de pré-comptabilisation, intégrera-t-il une facture électronique normalisée émise par moi-même (facture de vente), par un fournisseur (facture d'achat), un flux entrant, un flux sortant ?

L'on doit noter, en ce qui concerne la fabrication de factures au format Factur-X, la tolérance devant exister au moins jusqu'au 31 décembre 2027, consistant à procéder en deux temps, à savoir commencer par produire une facture « ordinaire » sous forme d'un fichier PDF, puis la transformer en un format normalisé (Factur-X ou autre).

Chaque solution technique doit impérativement être testée. Tester un processus informatique consiste à construire un environnement et un jeu d'essai simulant une situation réelle telle que peut la rencontrer l'entreprise, avec ses propres contraintes, ses propres systèmes de référence, sa propre organisation... ce dont ne rend que très partiellement compte une démonstration standard « de salon informatique ».

L'on pourra ainsi découvrir, par exemple, qu'en l'état des spécifications techniques qui devrait perdurer au moins jusqu'en 2028, le code XML emporté par une facture électronique normalisée Factur-X n'inclut que les totaux de la facture, sans information plus complète sur son contenu et donc sur le détail des lignes de facturation. Cette limitation n'est pas sans conséquences pratiques à anticiper : hybridation des technologies de traitement, contraintes pratiques, ...

Structurer son archivage électronique

Quoi que la conscience ne soit encore que modestement partagée de la sensibilité du sujet, la substitution de fichiers signés électroniquement aux supports papier manipulés depuis des décennies ne peut qu'avoir une très forte incidence sur l'organisation administrative.

Dès lors que le document qui fait foi est un fichier signé électroniquement, c'est bien de ce fichier qu'il faut organiser la conservation pendant de nombreuses années : le sujet est, avec un éventuel décalage dans le temps qui se comptera en années, de pouvoir produire le fichier original signé et non pas une image imprimée qui n'aura pas la même force probante.

Le problème se posera naturellement autant de fois que de documents utiles (factures émises, factures reçues, contrats et autres pièces et correspondances...). Si, par exemple, la durée de prescription à sécuriser est de dix ans, la question est de déterminer les mesures pertinentes à prendre pour s'assurer de pouvoir accéder commodément au fichier utile pendant dix ans. Ceci ne s'improvise pas et dépasse de très loin le seul sujet d'un back-up de reprise immédiate sur incident informatique.

En revanche, le nombre d'originaux numériques d'un même document est illimité, ce qui n'est pas le cas d'un format papier : un même fichier original signé peut être présent dans de nombreuses copies de sauvegardes distribuées sur des supports et en des lieux de stockage distants.

Soulignons enfin que le centre névralgique de l'ensemble de ces processus sera votre cabinet d'expertise-comptable et/ou votre service comptable interne. Non seulement, votre cabinet devra, dans ce nouvel environnement, assurer le traitement des factures d'achat et de ventes dans les mêmes conditions de sécurité que par le passé. Mais, dans le cadre de nouvelles missions déjà normalisées il y a plusieurs années par le Conseil national de l'ordre, votre expert-comptable pourra vous assister pour la production des factures électronique, pour le suivi du poste client et l'engagement de mesures de recouvrement précontentieuses, pour le pilotage du poste fournisseurs et l'organisation des paiements.

En revanche, en l'état, la profession n'est pas pourvoyeuse de solutions de tiers archivage de long terme.