Les conséquences de l'ouverture d'une procédure collective du locataire pour le bailleur commercial
Lorsque le locataire commercial fait l'objet d'une procédure collective (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire), le propriétaire s'interroge sur le sort du bail et sur le sort des créances de loyer.
Le sort du bail commercial
L'ouverture d'une procédure collective du locataire ne met pas fin au bail commercial. Toute clause contraire prévue au bail commercial serait d'ailleurs réputée non écrite.
L'objectif est le maintien du bail pour permettre la cession, en vue d'assurer la continuité de l'activité exploitée. Néanmoins, dans certains cas, le bail sera résilié y compris à l'initiative du bailleur.
La poursuite du bail commercial : c'est l'administrateur judiciaire ou le liquidateur judiciaire, suivant le type de procédure, qui décide de la poursuite ou non du bail commercial.
Le bail doit être en cours au jour de l'ouverture de la procédure, et le locataire doit disposer des fonds nécessaires pour payer les loyers.
Le bailleur n'est pas nécessairement informé de la décision de l'administrateur ou du liquidateur, elle s'impose à lui. Il peut envoyer une mise en demeure à ces derniers pour connaître le sort du bail, mais l'absence de réponse n'entraîne pas la résiliation du bail.
Le bailleur ne peut pas s'opposer à la décision de poursuite et ce, même si le locataire a des arriérés de loyers à la date d'ouverture de la procédure.
Le bail se poursuit aux conditions contractuelles du bail en cours, ce qui suppose le paiement régulier des loyers et le respect des charges et conditions, notamment la destination, du bail.
La cession du bail commercial : le tribunal de commerce peut, dans le cadre d'un plan de cession ou d'une liquidation judiciaire, décider de céder l'entreprise objet de la procédure.
En plan de cession, le tribunal retient les contrats nécessaires au maintien de l'activité dont fait partie en principe le droit au bail commercial. Les clauses du contrat qui concernent la cession du droit au bail (accord du bailleur, garantie solidaire de paiement de loyers, droit de préemption des communes, etc.) ne s'appliquent pas.
Le repreneur est tenu d'exécuter le bail en vigueur au jour de l'ouverture de la procédure.
Dans le cadre d'une liquidation judiciaire, c'est le juge-commissaire qui autorise la cession.
Le liquidateur dûment autorisé peut céder le droit au bail, en respectant les clauses du bail relatives à la cession : clause d'agrément du cessionnaire, purge du droit de préemption des communes. En revanche, la clause de solidarité du cédant ne s'applique pas.
La résiliation du bail commercial : le bail peut être résilié à la demande de l'administrateur, du liquidateur ou du bailleur.
En cas de procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, l'administrateur peut décider, sans devoir en justifier, de résilier le bail commercial et ce, même si les loyers peuvent être payés.
En revanche, si les loyers ne peuvent pas être payés, il doit résilier le bail, sous peine d'engager sa responsabilité.
La résiliation prend effet au jour où le bailleur est informé de la décision de l'administrateur judiciaire.
En cas de liquidation judiciaire, le liquidateur peut, à tout moment et sans avoir à en justifier, décider de résilier le bail commercial et ce, même s'il a décidé la poursuite du bail dans un premier temps.
Le bailleur est informé de la décision du liquidateur, qui prend effet à cette date.
Si le locataire, dont le bail se poursuit, ne paye pas ses loyers, le bailleur peut demander au tribunal judiciaire la résiliation du bail, dans un délai de trois mois à compter du jugement d'ouverture de la procédure collective.
De la même manière et dans les mêmes conditions, le bailleur peut demander la résiliation du bail en cas de défaillance du locataire (défaut d'entretien des biens objets du bail, trouble de jouissance, etc.) sur une période antérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective.
Le sort des créances de loyer
À compter de l'ouverture de la procédure collective, le locataire est « sous la protection » du tribunal de commerce.
Le bailleur ne peut plus agir en résiliation ou en résolution judiciaire à l'encontre du locataire pour défaut de paiement des loyers et des charges, avant l'ouverture du jugement.
Le bailleur se retrouve parmi les autres créanciers du locataire, et ses créances de loyer sont soumises à deux régimes distincts, selon qu'elles sont nées avant ou après le jugement d'ouverture de la procédure.
Les créances nées avant le jugement d'ouverture : les créances du bailleur (loyers, charges, dépôt de garantie, droit d'entrée, etc.) nées avant l'ouverture de la procédure collective ne peuvent être payées qu'après les créances nées postérieurement.
Le bailleur est soumis à l'interdiction et à l'interruption des poursuites à l'encontre du locataire, ainsi qu'à l'arrêt des mesures d'exécution qui pourraient avoir été prises.
Il ne peut plus agir directement à l'encontre du locataire, puisque l'ouverture de la procédure emporte l'interdiction de payer les créances nées antérieurement au jugement, y compris celles du bailleur.
Le bailleur doit informer le mandataire ou le liquidateur judiciaire de la nature et du montant des créances, y compris les intérêts de retard, par une déclaration de créances, réalisée dans les formes et délais légaux, soit dans le délai de deux mois de la date de parution du jugement d'ouverture au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales.
À défaut, le bailleur n'est pas admis aux répartitions des dividendes, arrêtées par le tribunal et ne sera donc pas réglé dans le cadre de la procédure collective ; à moins que le juge-commissaire ne relève les créanciers défaillants de leur forclusion, et pour autant que ces derniers puissent justifier que leur défaillance n'est pas de leur fait.
Les actions en résiliation ou en constatation de l'acquisition de la clause résolutoire, qui auraient été introduites avant le jugement d'ouverture de la procédure collective, sont interrompues.
L'instance est reprise devant le juge saisi, qui constate la créance à l'encontre du locataire et fixe son montant, sans condamnation au règlement. Le bailleur doit transmettre le jugement au greffier du tribunal de commerce ayant ouvert la procédure collective pour que la créance puisse être inscrite sur l'état des créances.
Le bailleur ne pourra pas non plus faire procéder aux saisies pour l'exécution des procédures qu'il aurait pu obtenir avant le jugement d'ouverture, ni continuer les saisies engagées (sauf si elles ont produit leur effet avant le jugement d'ouverture).
Les créances nées après le jugement d'ouverture : les créances de loyer nées après l'ouverture de la procédure doivent être payées à leur échéance.
Elles sont la contrepartie de la fourniture par le bailleur du local pour permettre au locataire d'exercer son activité. Ces créances sont dites utiles.
Ces créances n'ont pas besoin d'être déclarées, et ne sont pas soumises à l'interdiction des paiements, comme le sont celles nées avant le jugement.
Dans le cas où ces créances ne seraient pas payées à leur échéance, le bailleur bénéficie d'un privilège.
Il doit porter à la connaissance de l'administrateur judiciaire ses créances impayées pour en permettre le règlement par privilège avant les autres créanciers, dans le délai d'un an à compter de la fin de la période d'observation.
Le bailleur a intérêt, dès le premier incident de paiement, à mettre en œuvre la clause résolutoire du bail, afin d'augmenter ses chances d'obtenir une décision de justice définitive constatant la résiliation du bail avant que le locataire ne dépose le bilan.
La rédaction d'un bail notarié conférant force exécutoire est de nature à faciliter et raccourcir la procédure devant le tribunal.