Entreprises en crise : les outils et les réflexes pour garder le cap
En période de crise, les entreprises doivent s'appuyer sur les bons outils pour prévenir, analyser et suivre leurs difficultés. Une étape indispensable pour activer des solutions pertinentes et répondre efficacement à leurs enjeux.
Prévenir les difficultés avec l'appui de l'expert-comptable
L'année 2024 a été ressentie comme une année difficile pour les entreprises, et le nombre de procédures collectives a révélé un contexte économique très compliqué. Durant les périodes de crise, les TPE/PME sont confrontées à des événements susceptibles de mettre en péril leur équilibre financier. Elles doivent changer leur comportement et s'adapter pour faire face à des situations inhabituelles qui risquent de les amener à des défaillances. Une vigilance accrue s'impose au chef d'entreprise pour qu'il puisse anticiper, prévoir, réagir, s'adapter.
Dans ce contexte, le rôle de l'expert-comptable, « conseil » auprès du chef d'entreprise, prend alors tout son sens, et plus que jamais il doit être un partenaire prioritaire. Le chef d'entreprise, souvent trop occupé à maintenir son activité et concentré sur les problématiques de production et de commercialisation, en arrive à ignorer le suivi administratif de sa structure. C'est pourquoi, l'expert-comptable peut l'accompagner, en produisant tous les outils nécessaires pour une prévention des difficultés. Et les sources pouvant être à l'origine de ces difficultés sont nombreuses, qu'elles soient internes (gestion, taux de marge, coûts de production, ressources humaines) ou externes (récurrence de crises politiques et économiques, hausse des taux d'intérêt, durcissement des conditions de crédit).
La mise en place d'outils de contrôle, de diagnostics et de prévisions permettra d'identifier les risques de défaillances et les besoins de l'entreprise pour faire face, afin de mener les actions pour éviter le point de rupture. Parmi les outils nécessaires, figurent notamment :
- Les tableaux de bord, contrôles budgétaires, contrôles de gestion : l'analyse des indicateurs (calcul de prix de revient, analyse des marges, ajustement des prix de vente, veille sur la concurrence) doit permettre à l'entreprise de s'assurer que les évolutions tarifaires, les contraintes de production et la conjoncture n'impactent pas la rentabilité de la structure.
- Situations comptables intermédiaires : l'analyse de situations comptables intermédiaires permet au chef d'entreprise d'avoir un regard régulier sur les résultats de l'activité durant son exercice comptable. Il pourra ainsi détecter les dégradations, si elles se produisent, et agir suffisamment tôt afin de minimiser les risques et d'assurer de meilleurs résultats, par
des actions correctives.
- Le suivi des encaissements clients, mise en place de procédures de relances : un suivi régulier des clients est la garantie nécessaire pour l'entreprise de pouvoir faire face à toute défaillance. Les retards de paiements des clients doivent alerter l'entreprise sur le risque de pertes financières.
- Le prévisionnel de trésorerie : prévoir les besoins de trésorerie, en fonction des encaissements et des décaissements futurs permet au chef d'entreprise d'anticiper la sollicitation des partenaires financiers, en cas de besoin.
- Le prévisionnel d'exploitation : faire un prévisionnel d'exploitation doit permettre au chef d'entreprise de s'interroger sur les évolutions de son activité (perspectives de chiffre d'affaires, gestion des charges fixes de fonctionnement, évaluation des besoins en matière de ressources humaines pour anticiper les risques
de sous-activité).
- Rencontre avec les banquiers afin d'anticiper leur soutien : le banquier, comme l'expert-comptable, est un partenaire du chef d'entreprise, avec lequel la communication sur la réalité d'une situation doit permettre de trouver des solutions, avant qu'il ne soit trop tard. L'intervention de l'expert-comptable au côté du chef d'entreprise est rassurante pour les tiers.
Tous ces moyens pourront être proposés par l'expert-comptable, en soutien au chef d'entreprise, et être adaptés aux besoins, en fonction de la structure. Cependant, si la défaillance se confirme, le rôle de l'expert-comptable pourra être accru. Il aura en effet en charge d'accompagner le chef d'entreprise dans les démarches de procédures collectives (procédure amiable ou judiciaire).
Les outils juridiques
pour les entreprises en difficulté
Lorsque l'entreprise rencontre des difficultés avérées, il est possible de mobiliser des outils juridiques adaptés, mis à disposition par les tribunaux de commerce. Ces dispositifs juridiques, trop souvent méconnus ou sollicités trop tardivement, constituent pourtant de véritables solutions pour répondre aux enjeux des entreprises en difficulté. Dans chacune de ces procédures, le dirigeant pourra solliciter son expert-comptable pour l'accompagner.
Les procédures amiables : le mandat ad hoc et la conciliation
Parmi les outils à privilégier en cas de difficultés juridiques, économiques ou financières, le mandat ad hoc et la conciliation constituent des procédures souples particulièrement intéressantes.
Attention, ces outils ne sont applicables que si l'entreprise n'est pas en état de cessation des paiements1 depuis plus de 45 jours, d'où l'importance du suivi des difficultés avec les outils précédemment évoqués.
Le mandat ad hoc permet au chef d'entreprise, avec l'accord du président du tribunal de commerce, de désigner un mandataire indépendant. Sa mission est d'accompagner les négociations avec les partenaires de l'entreprise (banques, fournisseurs, bailleurs...) pour restructurer les dettes de l'entreprise et trouver des solutions amiables, sans publicité ni intervention judiciaire. Ce dispositif est totalement confidentiel.
La conciliation, plus encadrée, vise également à parvenir à un accord amiable avec les créanciers pour surmonter des difficultés. L'entreprise est assistée cette fois d'un conciliateur. Contrairement au mandat ad hoc, la conciliation peut aboutir, sur demande du débiteur, à une homologation de l'accord. En pratique, l'homologation de l'accord est souvent exigée par les banques en contrepartie de nouveaux apports financiers, dans l'objectif de bénéficier du privilège de « new money » 2, si une procédure collective faisait suite à la conciliation.
Si l'accord est homologué, et bien que son contenu demeure confidentiel, il fera l'objet d'une publicité.
Les procédures collectives, des solutions, pas des sanctions !
- La sauvegarde : la procédure de sauvegarde est destinée aux entreprises qui ne sont pas encore en cessation de paiements, mais qui rencontrent de réelles difficultés qu'elles ne peuvent surmonter seules. Elle permet de suspendre les poursuites des créanciers, de préserver la continuité de l'activité et de préparer un plan de réorganisation. Le tribunal désigne un administrateur judiciaire chargé d'assister le dirigeant. L'entreprise dispose d'une période d'observation pour dresser un état des lieux, élaborer des solutions et bâtir un plan de sauvegarde sur plusieurs années. Ce plan, validé par le tribunal, doit démontrer la viabilité du projet de redressement. Le dirigeant pourra solliciter l'expert-comptable pour l'accompagner dans l'élaboration des prévisions d'activité et la formalisation du plan.
- Le redressement : lorsqu'il est trop tard pour anticiper, et que l'entreprise est déjà en cessation de paiements, le redressement judiciaire devient la dernière option pour éviter la liquidation. Il vise à permettre la poursuite de l'activité, le maintien de l'emploi et le règlement du passif selon un plan validé par le tribunal. Dans ce cadre, un administrateur judiciaire est désigné pour accompagner le dirigeant dans la gestion de l'entreprise. Là encore, l'élaboration d'un plan de continuation repose sur une analyse fine des capacités de rebond de l'entreprise. L'expert-comptable aura ici un rôle clé : établir un diagnostic sincère, produire des situations fiables et défendre la cohérence économique du projet de redressement.