Parents d'enfant mineur séparés, mais responsabilité désormais conjointe !
Quand l'autorité parentale induit la réalisation de la condition de cohabitation, entraînant la responsabilité de plein droit des parents du fait de leur enfant. Zoom sur le dernier revirement jurisprudentiel...
Le principe de la responsabilité des parents
Si pour beaucoup, le principe de la responsabilité des parents du fait de leur enfant est connu, qu'il s'agisse d'un accident ou d'un fait volontaire pouvant revêtir une qualification pénale, les nuances de cette responsabilité en cas de séparation ne sont pas les plus connues.
Il résulte des dispositions de l'article 1242 alinéa 4 du Code civil que « le père et la mère, en tant qu'ils exercent l'autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux ».
Un parent pouvait voir sa responsabilité engagée de plein droit sous trois conditions :
- Dans le cas d'un fait, même non fautif, du mineur, non émancipé, ayant causé un dommage,
- Les parents doivent exercer l'autorité parentale pour être tenus responsables, ils en sont titulaires sauf décision rare de retrait,
- La cohabitation : le principe veut que l'enfant devait habiter avec ses parents.
Sur cette dernière condition, les juges estimaient qu'il s'agissait de la résidence habituelle de l'enfant au domicile de ses parents ou de l'un d'eux (Cass. 2e Civ. 20 janvier 2000, n° 98-14479) et s'attachaient à la résidence de droit, et non de fait. Dès lors la cohabitation ne cessait pas lorsque le mineur résidait dans un internat, séjournait en centre de vacances ou lorsqu'il était confié à ses grands-parents.
Quid en cas de séparation ?
Nécessairement, la question du parent responsable ne se pose pas quand le couple parental vit ensemble.
Dans une telle situation, les deux parents sont tenus civilement responsables, donc doivent indemniser les dommages subis par les victimes de leur enfant. Ce n'est qu'une fois les parents séparés que le débat de la responsabilité naît.
Position ancienne non adaptée
Jusqu'au 28 juin 2024, le principe reposait sur la notion de cohabitation entendue strictement par la jurisprudence.
En cas de séparation des parents, la Cour de cassation considérait que la condition de « cohabitation » prévue par le Code civil pour engager la responsabilité n'était remplie qu'à l'égard du parent chez lequel la justice avait fixé la résidence habituelle de l'enfant.
Dès lors, seul ce parent pouvait être condamné à réparer les dommages causés par son enfant mineur et le parent qui avait un droit de visite et d'hébergement ne pouvait pas voir sa responsabilité retenue. Le parent qui aurait pu, pour certains aurait dû, empêcher la situation ne pouvait pas voir sa responsabilité engagée, et laisse donc l'autre parent gérer les suites de l'accident.
L'exemple concret qui peut être donné est celui d'une sortie d'un mineur alors en week-end chez le parent qui ne dispose que d'un droit de visite et d'hébergement, et qui sort sans la moindre autorisation et surtout qui prend les clés de la voiture de son parent, et conduit le véhicule, ou tout du moins tente de le conduire avant de l'emboutir dans un autre véhicule.
Il a ainsi pu être jugé que si la résidence habituelle de l'enfant avait été fixée au domicile de la mère, la responsabilité du père ne pouvait être retenue, même si le dommage avait été occasionné lors d'un séjour chez ce dernier (Cass. Crim. 6 novembre 2012, n° 11-86857). Cela ne paraissait ni équitable, et surtout contraire à la notion de coparentalité.
Il convient de rappeler que la responsabilité des parents n'a pas vocation à sanctionner des parents défaillants, mais plutôt à trouver un parent, et surtout son assureur, pour répondre d'un enfant dangereux, et permettre l'indemnisation de la victime.
Revirement jurisprudentiel
Par un arrêt du 28 juin 2024, l'assemblée plénière de la Cour de cassation a opéré un revirement jurisprudentiel conséquent, et considère que les deux critères prévus dans le Code civil pour engager la responsabilité des parents (exercice de l'autorité parentale et cohabitation avec l'enfant) sont consubstantiels : le fait qu'un enfant cohabite avec ses parents est la conséquence de l'exercice conjoint de l'autorité parentale.
De par l'exercice conjoint de l'autorité parentale, la cohabitation est donc considérée comme remplie pour les deux parents séparés même si l'enfant ne réside pas avec l'un. Dans ce cas, les deux parents demeurent responsables des dommages causés par l'enfant mineur. La condition de cohabitation, posée par l'article 1242 alinéa 4 du Code civil, se confond donc avec l'exercice conjoint de l'autorité parentale qui se définit comme « un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l'intérêt de l'enfant » et qui « appartient aux parents jusqu'à la majorité ou l'émancipation de l'enfant » (art. 371-1 du Code civil).
La Cour de cassation étend ainsi la responsabilité de plein droit aux parents détenteurs de l'autorité parentale titulaires d'un simple droit de visite et d'hébergement, dans un sens plus conforme au principe de coparentalité, et en cohérence avec l'article 18-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant qui dispose que « les deux parents ont une responsabilité commune pour ce qui est d'élever l'enfant et d'assurer son développement ».
Il faut noter que cette cohabitation ne cesse que si une décision administrative ou judiciaire confie l'enfant à un tiers. Dans ce cas, l'enfant réside chez cette tierce personne et la responsabilité des parents de l'enfant mineur ne pourra pas être engagée, même si ces derniers continuent d'exercer leur autorité parentale.
Un revirement salué, mais toujours insatisfaisant
Il convient de relever que cette décision conduit au résultat injuste de faire peser une responsabilité de plein droit sur des parents qui ne bénéficieraient d'aucun droit d'hébergement et ne seraient donc pas, concrètement, en mesure d'exercer les prérogatives de l'autorité parentale.
Il avait été préconisé notamment par l'avocat général près la Cour de cassation d'opter pour une solution alternative.
Ainsi, il aurait paru entendable et acceptable de maintenir la condition de cohabitation prévue par le texte, mais en considérant que celle-ci peut résulter non plus de la seule résidence habituelle, mais également de l'existence d'un droit de visite et d'hébergement.
Une responsabilité de plein droit
À ce jour, lorsque les conditions sont réunies, la responsabilité des parents du fait de leur enfant est de plein droit, de sorte que les parents ne peuvent pas s'exonérer de leur responsabilité en démontrant qu'ils n'ont pas commis de faute dans la surveillance ou l'éducation de leur enfant.
Seule la force majeure (le dommage doit être irrésistible et imprévisible pour les parents, ce qui demeure une hypothèse extrêmement rare) ou la faute de la victime permet d'exonérer totalement ou partiellement les parents de leur responsabilité.
Parents responsables mais assurés !
Il reste désormais à chaque parent d'enfant mineur de veiller à ce qu'il ait effectivement bien une couverture de sa responsabilité civile du fait de son enfant mineur, laquelle est le plus souvent incluse dans son assurance multirisque habitation.
Il faut juste espérer que les clauses contractuelles ouvrant la garantie et la couverture aux enfants mineurs aient bien été mises en conformité avec cette décision. Sinon gare aux refus d'assurance à venir, et aux sérieux risques financiers qui pourraient peser sur le parent qui bénéficie d'un droit de visite et d'hébergement.
Parent séparé d'un enfant mineur, courez vite chez votre assureur !