L'entrée au capital des salariés : pourquoi ne pas leur attribuer des actions gratuites ?
Moyen de fidéliser ses collaborateurs, l'actionnariat salarié s'est particulièrement développé. Parmi les différents outils juridiques à la disposition des entreprises figure notamment l'attribution gratuite d'actions au bénéfice des salariés, strictement encadrées par la loi et dotées d'un régime fiscal spécifique.
En France, les moyens de récompenser les salariés et de les faire participer aux résultats de l'entreprise sont nombreux. Classiquement, on peut citer le plan d'épargne entreprise, l'intéressement, la participation ou tout simplement le versement de primes. Mais à l'heure où les entreprises de toute taille doivent rivaliser d'attractivité pour conquérir et conserver les meilleurs talents, le développement de l'actionnariat salarié apparaît comme un bon moyen de fidéliser son personnel.
Ici aussi, les solutions sont variées avec, entre autres, l'augmentation de capital réservée à tout ou partie des salariés, les stock-options ou les bons de souscriptions d'actions, les bons de souscription de parts de créateurs d'entreprises. Néanmoins, tous ces instruments juridiques nécessitent un investissement financier personnel, tandis que les salariés que l'on souhaite récompenser ne disposent pas toujours de la mise nécessaire pour participer à de telles opérations.
Aussi, le Code du travail a créé un dispositif spécifique permettant aux sociétés d'émettre gratuitement des actions au profit des salariés, selon des conditions qui pourront être directement liées à leur compétence et un calendrier arrêté par le chef d'entreprise sur délégation de l'assemblée générale des associés.
Les actions gratuites : pourquoi et pour qui ?
La mise en place d'un plan d'émission d'actions gratuites présente un levier important de motivation et d'implication pour les salariés. L'attribution gratuite d'actions (AGA) est un mode de rémunération qui a la particularité d'être évolutif. D'une part, lorsque la société réalise de bons résultats et décide d'en distribuer tout ou partie, le salarié associé perçoit des dividendes. D'autre part, à la revente des actions gratuites, le gain financier pourra être plus ou moins important selon l'évolution de la valeur de la société. Le salarié a donc tout intérêt à participer à la croissance et à la prise de valeur de la société qui l'emploie.
Les actions gratuites ne sont pas réservées aux start-up et aux sociétés cotées. Elles peuvent être mises en place par toutes les sociétés par actions (SA, SAS et SCA). L'émission peut intervenir au moyen d'une augmentation de capital ou par attribution de titres existants (rachat par la société de ses propres actions en vue de leur attribution).
Plusieurs règles doivent être respectées, à commencer par la sacro-sainte égalité de traitement entre les salariés. Le plan d'émission peut concerner soit l'ensemble des salariés, soit être réservé à certaines catégories spécifiques d'entre eux. Dans cette seconde hypothèse, les salariés qui sont dans une situation identique doivent pouvoir bénéficier des mêmes avantages, à moins qu'une différence de traitement fondée sur des raisons objectives, réelles et pertinentes, puisse être démontrée. Pour définir la catégorie de salariés bénéficiaires, il est possible de se référer aux classifications du droit du travail ou à des critères objectifs reconnus par la jurisprudence. L'AGA peut aussi être réservée aux salariés justifiant d'une durée minimale d'ancienneté. Oubliez donc l'éventualité d'attribuer nommément des actions gratuites. Par ailleurs, le pourcentage de capital social pouvant être attribué gratuitement est limité. Ainsi, l'émission d'actions gratuites ne peut excéder 15 % du capital social à la date de la décision de leur attribution. Ce quota peut être augmenté à 30 %, lorsque l'AGA concerne au moins 50 % du personnel salarié représentant au moins 25 % des salaires bruts et à 40 % si l'AGA bénéficie à tous les salariés.
Enfin, cette émission pourra également concerner les salariés de sociétés liées : les filiales, sociétés mères, sociétés sœurs ou les salariés des groupements d'intérêt économique reliés par des liens capitalistiques significatifs.
Le calendrier d'émission
L'attribution gratuite d'actions doit tout d'abord être autorisée par l'assemblée générale extraordinaire de la société. Cette assemblée détermine également les conditions d'attribution et les catégories de bénéficiaires potentiels. Pour autant, une fois cette autorisation délivrée, les actions gratuites ne sont pas immédiatement attribuées.
En effet, une période d'acquisition minimale de deux ans est généralement requise. Cela signifie que le salarié doit rester dans l'entreprise pendant cette période pour que l'attribution des actions devienne définitive. Ce délai peut être augmenté mais également réduit à une année. Pour autant la durée globale des périodes d'acquisition et de conservation (ci-après) ne peut être inférieure à deux ans.
À l'issue de la période d'acquisition, commence une période de conservation, dont la durée est également définie par le plan d'émission des actions. Durant cette période, les actions demeurent indisponibles pour la vente par le salarié. Ainsi, au plus tôt à compter de leur attribution, les actions ne pourront pas être vendues avant deux ans, le non-respect de ces délais entraînant la perte du régime fiscal et social avantageux des actions gratuites.
L'émission d'actions gratuites : un régime fiscal
et social de faveur incitatif
Côté coût pour l'entreprise, quand les salaires sont soumis aux cotisations patronales jusqu'à 43 % du salaire brut, l'émission d'actions gratuites génère la contribution patronale spécifique de 30 %. Les sociétés, qui n'ont jamais distribué de dividendes depuis leur constitution, en sont exonérées. Il s'agit de la seule taxation à régler au moment de l'attribution des actions.
Côté salarié bénéficiaire, le régime fiscal de faveur va permettre l'attribution d'actions gratuites en franchise d'impôt au jour de l'acquisition des actions. Le fait générateur des impôts intervient au jour de la disposition des actions gratuites, qu'elle soit réalisée à titre onéreux (cession ou apport des titres) ou à titre gratuit (donation).
L'avantage correspondant à la valeur des actions lors de leur attribution gratuite, dit « gain d'acquisition », est soumis aux prélèvements sociaux de 17, 2 % et à l'impôt sur le revenu au barème progressif, après abattement de 50 % (au-delà de 300 000 € annuellement, le taux social est porté à 19, 7 % et l'impôt sur le revenu s'applique sans abattement). En cas de cession des titres pour un prix supérieur à leur valeur lors de l'attribution des actions, cette différence constitue la plus-value de cession, qui est soumise à la flat tax de 30 % (12, 8 % d'impôt sur le revenu et 17, 2 % de prélèvements sociaux).
En pratique, pour l'entreprise, l'attribution d'actions gratuites de 10 000 € coûterait 13 000 €, tandis qu'une prime non exonérée de 10 000 € bruts coûterait environ 14 300 €. Pour le salarié bénéficiaire avec un taux marginal d'impôt sur le revenu de 30 %, au jour de la vente, le gain d'acquisition net serait de 6 780 €, tandis que la prime nette serait d'environ 5 700 €. Le salarié percevrait également à la revente la plus-value de cession, taxée à 30 %.
Conclusion
L'intéressement du salarié au développement de son entreprise, sous quelque forme qu'elle soit, est aujourd'hui primordial pour l'attractivité d'une société. L'actionnariat salarié participe à la fidélisation des talents et permet de lutter contre la problématique à laquelle nombre des dirigeants sont actuellement confrontés : le turn-over. Face aux autres modes d'ouverture du capital aux salariés, l'attribution d'actions gratuites présente l'avantage majeur de la gratuité, et donc de l'absence de risque financier pour le salarié.
L'AGA devant être effectuée selon un calendrier sur plusieurs années, l'entreprise s'assure de récompenser les salariés fidèles et qui ont réellement participé à son développement. Il s'agit d'un geste fort des associés, rassemblant l'ensemble des intervenants sociaux (associés, dirigeants et salariés) vers un objectif commun : la réussite de l'entreprise.