Le notaire et l'assistance médicale à la procréation : un acteur clé dans la construction des familles
La loi du 2 août 2021 relative à la loi bioéthique confie au notaire un rôle central dans le recours à l'assistance médicale à la procréation (ou procréation médicalement assistée), parcours souvent long et complexe pour les futurs parents. Mais alors, dans quels cas le recours au notaire est-il nécessaire en cas de projet d'AMP ? Quel est son rôle ? Petit tour d'horizon des différentes situations et des règles applicables...
Pour qui l'assistance médicale à la procréation est-elle désormais possible ?
Rappelons tout d'abord qu'avant cette loi, l'assistance médicale à la procréation (AMP) était réservée aux couples hétérosexuels, qu'ils soient mariés ou non, dans le cas d'une nécessité médicale (remède à l'infertilité ou afin d'éviter la transmission d'une maladie grave).
Depuis le 2 août 2021, outre les couples hétérosexuels, cette loi a ouvert l'AMP aux couples de femmes ainsi qu'aux femmes seules, sans qu'il soit nécessaire de justifier d'une nécessité médicale. En effet, la loi ne vise que le critère de « projet parental ».
L'AMP est donc désormais possible pour les femmes célibataires, veuves ou divorcées, pacsées ou vivant en concubinage. À l'inverse, la femme mariée ne peut consentir seule à une AMP.
L'AMP demeure toutefois interdite aux couples d'hommes, la gestation pour autrui (GPA) restant à ce jour interdite en France.
Il convient également que le couple soit uni, ce qui exclut les époux en instance de divorce ou séparés de corps.
Afin de pouvoir bénéficier d'une AMP, des conditions d'âge sont prévues : la femme qui portera l'enfant ne doit pas être âgée de plus de 45 ans. L'autre membre du couple doit avoir moins de 65 ans.
Quel type d'AMP nécessite l'intervention d'un notaire ?
Lorsque l'AMP intervient de manière endogène, c'est-à-dire sans l'intervention d'un tiers donneur, mais avec les gamètes du couple, le recours au notaire n'est pas exigé.
À l'inverse, en matière d'AMP exogène impliquant l'intervention d'un tiers donneur (don de gamète, don d'ovocyte, double don ou encore don d'embryon), le rôle du notaire devient alors central. Dans ces situations, l'intervention du notaire est requise afin que celui-ci éclaire les futurs parents sur la portée juridique de leur projet et recueille leur consentement.
Lorsqu'un couple ou une femme seule projette de recourir à une AMP avec intervention d'un tiers donneur, la loi prévoit que le consentement préalable du couple ou de la femme non mariée soit recueilli par acte notarié hors la présence de tiers.
Quel est le but de ce consentement ?
Le notaire vérifie que les deux personnes forment un couple quelle que soit leur situation conjugale, et qu'en cas de femme seule recourant à une AMP, celle-ci n'est pas mariée. En effet, en présence d'une femme mariée, le recours de celle-ci à l'AMP n'est pas possible, du fait de la présomption de paternité prévue par la loi, qui rendrait son époux automatiquement père de l'enfant à naître, sans que celui-ci n'y ait consenti
au préalable.
Le notaire a pour rôle d'informer les futurs parents :
- Sur les conséquences juridiques de ce projet quant à la filiation du futur enfant. Précisons tout d'abord qu'aucune filiation ne pourra être établie avec le tiers donneur. En présence d'un couple hétérosexuel, la filiation est établie selon les règles classiques prévues par le Code civil : la désignation de la mère dans l'acte de naissance, la présomption de paternité du père en cas de couple marié et la reconnaissance du père non marié. Dans le cas d'un projet d'AMP par un couple de femmes, la loi prévoit que les deux femmes doivent reconnaître conjointement l'enfant par un acte notarié concomitant à l'acte authentique de consentement. Cela permet d'établir le lien de filiation avec la femme qui n'aura pas accouché. Une fois l'enfant né, il conviendra de transmettre à l'officier d'état civil l'acte notarié de reconnaissance au moment de la déclaration de naissance.
- Sur les conditions dans lesquelles l'enfant pourra, une fois majeur, accéder aux données non identifiantes et à l'identité du donneur. Ces données non identifiantes concernent l'âge du donneur, les caractéristiques physiques, la situation familiale, la profession, l'état général, le pays de naissance, la motivation du don... L'enfant majeur pourra questionner la commission d'accès aux données non identifiantes afin de recueillir ces informations et demander l'identité du donneur, si ce dernier y avait consenti préalablement à son don. Cet accès aux données non identifiantes concerne les enfants nés d'une AMP postérieurement à la loi. Pour ceux qui sont nés avant l'entrée en vigueur de la loi, les enfants peuvent solliciter la commission afin que celle-ci prenne contact avec leur donneur et lui demander son accord ou son refus pour communiquer ces informations.
Le consentement peut-il être révoqué ?
Le consentement donné fait obstacle à toute action aux fins d'établissement ou de contestation de la filiation, sauf dans deux situations :
- S'il est invoqué que l'enfant n'est pas issu de l'AMP,
- S'il est invoqué que le consentement a été privé d'effet.
De ce fait, le père qui aurait consenti à l'AMP par acte notarié, puis qui refuserait de reconnaître l'enfant pourra voir sa paternité judiciairement déclarée.
Dans le cas d'un couple de femmes, si la femme qui n'a pas accouché refuse de remettre la reconnaissance à l'officier de l'état civil au moment de la déclaration de naissance, le procureur de la République pourra ordonner l'apposition de la reconnaissance conjointe anticipée en marge de l'acte de naissance de l'enfant.
L'homme ou la femme qui, après avoir consenti à l'AMP, ne reconnaît pas l'enfant ou fait obstacle à la remise de la reconnaissance conjointe anticipée, engage sa responsabilité envers la mère et l'enfant.
Si le consentement ne peut pas être retiré, le consentement à l'AMP peut être privé d'effet dans certains cas s'il survient, avant la réalisation de l'insémination ou du transfert d'embryon, l'un des événements suivants :
- Le décès d'un des membres du couple,
- L'introduction d'une demande en divorce ou en séparation de corps,
- La signature d'une convention de divorce ou de séparation de corps par consentement mutuel,
- La cessation de la communauté de vie,
- La révocation du consentement par l'un des membres du couple. La révocation doit avoir lieu par écrit auprès du médecin en charge de l'AMP ou du notaire ayant reçu le consentement.
Quelles filiations pour les enfants nés d'une AMP réalisée à l'étranger après l'entrée en vigueur de la loi ?
La circulaire du garde des Sceaux du 21 septembre 2021 apporte un éclairage sur cette question. En effet, celle-ci précise : « [...] aucune disposition n'impose aux couples de femmes qui ont réalisé une reconnaissance conjointe anticipée devant le notaire de recourir à l'AMP auprès d'un centre d'AMP français. La reconnaissance conjointe anticipée, faite devant notaire, produit ses effets en France lors de la déclaration de naissance de l'enfant, peu important que l'AMP ait été réalisée sur le territoire national ou à l'étranger. »
Il semble en découler que la filiation puisse être établie à l'égard de la mère qui n'a pas accouché en cas d'AMP réalisée à l'étranger à la condition de respecter le formalisme prévu par la loi française et donc signer avant toute AMP les actes notariés :
- De consentement (dès lors que l'AMP intervient avec intervention d'un tiers donneur)
- De reconnaissance conjointe anticipée en présence d'un couple de femmes.
Le notaire devra alors veiller à informer la femme seule ou le couple recourant à l'AMP sur le risque que l'enfant, une fois majeur, ne pourra peut-être pas accéder aux données non identifiantes selon la politique du pays réalisant l'acte médical.
À défaut de respecter le formalisme avant la réalisation de l'AMP à l'étranger, la filiation ne pourra alors être établie que par une procédure d'adoption, laquelle nécessite une requête et un jugement du tribunal judiciaire.