Commande publique : quelles sont les nouveautés censées simplifier les achats ?
Deux décrets ont été publiés en fin d'année : le décret n° 2024-1 251 du 30 décembre 2024 portant diverses mesures de simplification du droit de la commande publique et le décret n° 2024-1 217 du 28 décembre 2024. L'occasion de faire le point sur les dernières nouveautés supposées simplifier les achats des pouvoirs adjudicateurs.
Des nouveautés dans les procédures de passation
Prolongation du seuil de 10Â 000Â euros
Une première nouveauté, qui n'en est pas vraiment une, est la prolongation du seuil de 10 000 euros HT pour les marchés de travaux, initialement conçu pour relancer l'économie à la sortie de la crise sanitaire du covid.
Ce seuil devait expirer le 31 janvier 2024. Le décret n° 2024-1 217 a pour seul objet de proroger jusqu'au 31 décembre 2025 le seuil temporaire de dispense de publicité et de mise en concurrence préalables pour les marchés de travaux. Il s'applique aux marchés pour lesquels une consultation est engagée ou un avis d'appel à la concurrence est envoyé à la publication à compter du 1er janvier 2025.
L'article 4 bis du projet de loi de simplification de la vie économique, actuellement en discussion, pérenniserait ce seuil pour les marchés pour lesquels une consultation serait engagée ou un avis d'appel à la concurrence envoyé à la publication à compter du 1er janvier 2026.
Assouplissement de l'intangibilité des groupements momentanés d'entreprises
Le Code de la commande publique prévoyait un principe d'intangibilité de la composition du groupement entre la date de remise des candidatures et la date de signature du marché, sous réserve d'exceptions.
Le décret n° 2024-1 251 ajoute un nouvel alinéa à l'article R. 2 142-3 du Code de la commande publique, permettant, dans les procédures comportant une négociation ou un dialogue, de faire évoluer la composition du candidat ou du soumissionnaire jusqu'à la signature du marché :
« Dans le cadre de procédures incluant une ou plusieurs phases de négociation ou de dialogue, l'acheteur peut autoriser le candidat qui en fait la demande à se constituer en groupement entre la date de remise des candidatures et la date de signature du marché, avec un ou plusieurs des candidats invites à négocier ou à participer au dialogue ou un ou plusieurs des opérateurs économiques aux capacités desquels il a eu recours, lorsque les conditions suivantes sont remplies :
1 - Le groupement dispose des garanties économiques, financières, techniques et professionnelles exigées par l'acheteur pour participer à la procédure ;
2 - La constitution d'un groupement ne porte pas atteinte au principe d'égalité de traitement des candidats ni à une concurrence effective entre ceux-ci. »
Pour le candidat, cela permet de déposer sa candidature, alors même que le groupement n'est pas formalisé. Pour l'acheteur, l'attributaire du marché pourrait être différent du signataire. Le texte soumet donc cette possibilité à des conditions : le groupement doit disposer de capacités insuffisantes au regard des conditions posées dans la consultation ; et la substitution n'est possible que si l'acheteur l'autorise.
Le décret n° 2024-1 251 fait également fait évoluer l'article R. 2 142-22 du Code de la commande publique, avec l'ajout suivant :
« Dans le cadre de procédures incluant une ou plusieurs phases de négociation ou de dialogue, l'acheteur peut également autoriser le groupement qui en fait la demande à modifier sa composition lorsque les conditions suivantes sont remplies :
1 - Le groupement dispose des garanties économiques, financières, techniques et professionnelles exigées par l'acheteur pour participer à la procédure ;
2 - Cette modification ne porte pas atteinte au principe d'égalité de traitement des candidats ni à une concurrence effective entre ceux-ci. »
La composition d'un groupement peut évoluer sous plusieurs conditions :
- Limitation de cette possibilité aux seules procédures comportant une négociation ou un dialogue ;
- Limitation aux seuls changements apportés à la composition, mais non à la forme du groupement.
Le nouveau texte ne précise toutefois pas la période de modification autorisée : elle est envisageable depuis le dépôt de la candidature, mais va-t-elle jusqu'à la date limite de réception des offres, l'attribution, ou même la date de signature ?
Enfin, la dernière évolution textuelle, sans être réellement une nouveauté, concerne la forme juridique du groupement. L'article R 2 142-22 du Code de la commande publique interdit d'exiger une forme juridique spécifique, telle que la solidarité du mandataire, pour un groupement au stade de la candidature. En revanche, il est possible d'exiger que le groupement adopte une forme juridique déterminée après l'attribution du marché dans la mesure où cela est nécessaire à sa bonne exécution et où cela est justifié dans les documents de la consultation.
La rédaction de l'article R 2 142-22 a évolué, mais ne paraît pas avoir fondamentalement fait évoluer le principe applicable : « [...] L'acheteur ne peut exiger que les groupements d'opérateurs économiques adoptent une forme juridique déterminée après l'attribution du marché que lorsque cela est nécessaire à sa bonne exécution. Dans ce cas, l'acheteur justifie cette exigence dans les documents de la consultation. »
Il reste toutefois difficile d'établir, pour l'acheteur, que la solidarité des membres du groupement est nécessaire à la bonne exécution du marché. Le décret ° 2024-1251 n'a donc pas assoupli cette disposition en pratique.
Des nouveautés relatives aux documents contractuels
Retenue de garantie limitée à 3 %
La retenue de garantie a pour seul objet de couvrir les réserves formulées à la réception des prestations du marché et, le cas échéant, celles formulées pendant le délai de garantie lorsque les malfaçons n'étaient pas apparentes ou que leurs conséquences n'étaient pas identifiables au moment de la réception (art. R 2 191-32 CCP).
Le décret n° 2024-1 251 abaisse le montant maximum de la retenue de garantie de 5 à 3 % (art. R 2 191-33).
Toutefois, ce plafonnement ne concerne que les acheteurs publics les plus importants, à savoir ceux dont les charges de fonctionnement sont supérieures à 60 millions d'euros. On peut supposer que cette mesure puisse être appelée à être généralisée...
Accord-cadre et marches subséquents
Le décret n° 2024-1 251 prévoit que, pour les accords-cadres à bons de commande en cours d'exécution, l'acheteur public pourra recourir à des marchés subséquents.
Le second alinéa de l'article R2162-2 du Code de la commande publique est complété par une phrase ainsi rédigée :
« [...]Toutefois, lorsqu'il est conclu avec plusieurs opérateurs économiques, il peut prévoir qu'il peut donner lieu, pour une partie des prestations, à la conclusion de marchés subséquents après remise en concurrence des titulaires conformément aux dispositions des articles R. 2 162-7 à R. 2 162-12, à condition que les documents de la consultation :
1 - Indiquent expressément la possibilité de recourir à cette faculté ;
2 - Définissent les circonstances objectives déterminant le choix de recourir à un marché subséquent ;
3 - Précisent les termes de l'accord-cadre pouvant faire l'objet d'une remise en concurrence. »
Il était déjà possible de passer des accords-cadres mixtes, c'est-à -dire comportant tout à la fois des bons de commande et des marches subséquents, mais qu'à la condition que l'accord détermine à l'avance leur périmètre respectif. Cette nouvelle disposition autorise le passage en marche subséquent sur le domaine même des achats initialement prévus en bons de commande. Cela permet, non seulement de remettre en concurrence les titulaires d'un accord-cadre multi-attributaire, mais surtout de faire évoluer leurs prix lorsque l'acheteur considère qu'ils ne traduisent plus la réalité du marché.
Pour conclure, les nouveaux textes annoncent encore une fois une simplification du droit de la commande publique, ce qui est loin d'être évident...