La protection de marque : un outil juridique au service de votre stratégie commerciale
Dans un environnement économique toujours plus concurrentiel, la marque ne se résume plus à un simple signe distinctif. Elle représente un actif stratégique essentiel, véritable levier de différenciation et de fidélisation.
Pourtant, de nombreux entrepreneurs continuent de sous-estimer l'importance de la protection juridique de leur marque, s'exposant à des risques significatifs, en la déposant seuls, sans accompagnement, au mépris des conséquences potentielles d'un mauvais libellé ou d'une opposition. Pourquoi et comment sécuriser cet élément clé de votre entreprise ?
La marque, un actif économique valorisable
La marque est la signature d'une entreprise. Elle porte sa notoriété, ses valeurs et sa réputation. Elle remplit une fonction d'identification, permettant de distinguer les produits ou les services de ceux des concurrents. Elle peut aussi remplir une fonction d'indication d'origine, garantissant aux consommateurs la provenance commerciale des biens ou services concernés.
Lorsqu'elle est protégée, elle devient un actif immatériel valorisable : elle peut être cédée, licenciée, apportée en société ou servir de garantie dans une opération de financement. À titre d'exemple, des marques telles que Salomon ou Teisseire figurent comme des actifs de valeur au bilan de leurs sociétés respectives.
L'intérêt du dépôt : se prémunir contre l'usurpation
Le dépôt confère un monopole d'exploitation sur le territoire concerné. Ce titre permet d'interdire à tout tiers d'utiliser une marque identique ou similaire pour des produits ou des services similaires. Le dépôt d'une marque est à réaliser auprès de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI).
À défaut de dépôt, vous risquez :
- Qu'un tiers dépose la marque à votre place et vous empêche de l'utiliser ;
- D'être accusé de contrefaçon si vous exploitez une marque déjà protégée par un concurrent ;
- De devoir rebâtir une identité commerciale si vous êtes contraint d'abandonner votre marque.
Toutefois, le dépôt n'est pas une étape si simple et sans risque. En effet, par soucis d'économie, il est parfois tentant de déposer seul sa marque, sans être accompagné par un conseil en propriété intellectuelle ou avocat. Toutefois plusieurs éléments doivent être pris en considération au moment de ce dépôt.
Dépôt de marque : les points d'alerte
Tout d'abord, la distinctivité d'une marque :
Le caractère distinctif d'une marque est une condition essentielle pour qu'elle soit valable et bien protégée. Selon l'article L.711-2 du Code de la propriété intellectuelle, une marque n'est pas valable si elle se contente de décrire les produits ou services ou d'en indiquer une simple caractéristique. L'INPI applique cette règle de plus en plus strictement et rejette de nombreuses demandes lorsque le nom choisi est trop descriptif.
La distinction entre descriptif et évocateur n'est pas toujours simple. Par exemple, Rent A Car est descriptif pour un service de location de voitures, mais seulement évocateur pour les voitures elles-mêmes, car il ne décrit pas leurs caractéristiques mais leur usage possible. Même si une marque évocatrice peut être enregistrée, sa protection sera plus faible et plus difficile à défendre face à des imitations.
L'autre condition essentielle est sa disponibilité :
Avant de déposer une marque, il est essentiel de vérifier que le nom est disponible. Cela passe par une recherche d'antériorité approfondie pour s'assurer qu'aucun signe identique ou similaire n'est déjà utilisé pour des produits ou services proches. Une simple recherche internet ne suffit pas : il faut aussi examiner les ressemblances visuelles, sonores ou de sens, ainsi que d'autres droits comme les noms commerciaux, enseignes ou noms de domaine, les droits d'auteur... L'INPI ne vérifie pas ces antériorités lors du dépôt. Une marque peut donc être enregistrée malgré un conflit existant, ce qui expose son titulaire à des actions en opposition, en nullité ou en contrefaçon. Pour sécuriser le dépôt, il est important d'étendre la recherche aux marques françaises, européennes et aux marques internationales désignant la France.
L'art du libellé :
Le libellé d'une marque, c'est la liste des produits et services protégés. Il est crucial car il délimite précisément la protection de la marque. En effet, selon le principe de spécialité, la protection ne s'applique qu'aux produits et aux services mentionnés au dépôt, même si la marque est exploitée plus largement par la suite.
Une fois déposé, le libellé ne peut plus être modifié. Au renouvellement, on peut seulement retirer des éléments, jamais en ajouter. Pour couvrir de nouveaux produits ou services, il faudra effectuer un nouveau dépôt après une recherche d'antériorité.
Il est donc important de bien doser : un libellé trop large expose à un risque de déchéance pour défaut d'usage, un libellé trop étroit limite la protection face aux concurrents. Une rédaction précise et adaptée est essentielle pour une protection efficace et durable.
Au-delà du dépôt : surveiller et défendre sa marque
La protection d'une marque ne s'arrête pas au dépôt. Il faut la surveiller et l'exploiter activement pour éviter de perdre ses droits ou subir des atteintes.
Cette protection repose sur :
- La surveillance des nouvelles marques déposées pour repérer d'éventuelles copies. Cette démarche permet d'agir vite (par opposition) et d'éviter de perdre ses droits par tolérance.
- La vérification des usages non autorisés sur le marché pour lutter contre la contrefaçon.
- L'exploitation régulière de la marque pour éviter sa déchéance : elle peut être annulée après cinq ans d'inutilisation,
- Son renouvellement à l'échéance : à défaut, la marque tombe dans le domaine public, les offices n'alertant pas systématiquement les titulaires.
Par exemple, McDonald's a été déchu de ses droits sur la marque Big Mac pour les aliments à base de volaille et les sandwiches au poulet, faute de preuves d'un usage sérieux de la marque pour ces produits (CJUE, tribunal, 5 juin 2024, T-58/23).
Pour une gestion efficace, il est souvent utile de confier la surveillance et le suivi à un conseil spécialisé.
Une protection adaptable, pour un investissement
raisonnable et une sécurité durable
Une marque peut être déposée au niveau national, européen (auprès de l'EUIPO) ou international (via l'OMPI ou les offices étrangers).
En France, les taxes de dépôt sont de 190 euros pour une classe de produits ou services, puis 40 euros par classe supplémentaire, et ce, pour une protection de dix ans.
Une stratégie bien pensée permet d'optimiser vos coûts tout en sécurisant vos activités.
La marque contribue directement à valoriser le fonds de commerce et le patrimoine immatériel de l'entreprise. Elle peut devenir un levier en cas de cession de titres, d'apport en société, de levée de fonds ou même de transmission d'entreprise. À cet égard, une marque bien protégée et bien gérée renforce la solidité juridique et financière de la société.
Protéger sa marque, c'est donc veiller à enregistrer un signe disponible, à préciser correctement les produits et services visés, à exploiter la marque activement et à défendre ses droits contre les atteintes de tiers. C'est un investissement juridique qui sécurise l'activité à court terme et participe à la valorisation de l'entreprise à long terme.
En conséquence déposer une marque n'est pas un acte anodin même s'il paraît simple via internet, la démarche requiert vérifications et conseils.