Grubbs, éclats et murmures
Minimalisme électroacoustique / Entre post-hardcore, rêves sonores et improvisations incandescentes, le musicien nord-américain n'a jamais arrêté de marquer profondément la scène underground. Rendez-vous ce jeudi 26 juin au Sonic pour découvrir son saisissant dernier opus.
Photo : David Grubbs © Julien Sitruk
Viendra un jour où l'on mesurera à sa juste valeur la portée historique de la déflagration Squirrel bait, chaînon manquant entre le hardcore le plus viscéral et les futures abstractions du post-rock ! Façonné par quelques adolescents de Louisville, le groupe ne laisse derrière lui qu'un album, un EP et deux démos, s'imposant comme un catalyseur souterrain. Sa désintégration donne naissance à une prolifération de formations devenues cultes : Slint, The for carnation, Big wheel...
Dans cette cartographie rhizomatique, le parcours du membre fondateur David Grubbs apparaît particulièrement lumineux. Après l'urgence brute de Squirrel bait, il choisit de se frotter à la géométrie rythmique et à la violence cérébrale avec Bastro, avant de plonger dans les bruits froids et le fracas industriel avec Magnet bitch. Puis, la rencontre décisive avec Jim O'Rourke donne lieu à Gastr del sol, projet laboratoire poussant la chanson jusqu'à sa limite, entre décomposition savante et régénération jouissive.
Du fragment au souffle
Ă€ la charnière des annĂ©es 1990, Grubbs opère un dĂ©placement dĂ©cisif : il ne s'agit plus de dĂ©construire la musique depuis ses marges, mais d'en interroger la persistance, ce qui, dans le son, reste après le geste. Grubbs cherche dĂ©sormais la rĂ©manence, ce qui vibre encore après l'Ă©clat. Ses œuvres solistes deviennent alors des palimpsestes sonores, oĂą des lambeaux de tradition (folk, musique concrète, minimalisme) se croisent sans jamais s'imposer afin de bâtir des espaces d'Ă©coute mentale, des lieux hors du temps oĂą chaque note agit moins comme un Ă©vĂ©nement que comme un vestige.
Une poétique de l'archéologie et de l'effacement qui trouve son apogée en 2017 avec Creep mission, disque intégralement instrumental où le silence devient une matière à part entière et l'écoute s'avère fouille lente dans des sédiments de mémoire.
Le récent Whistle from above prolonge cette démarche par une réduction supplémentaire, proposant une topographie affective de l'inaudible avec ses fragments de mélodies suspendues tissées autour de l'improvisation.
Non, David Grubbs ne joue pas de la musique. Il l'évoque, il l'écoute se révéler à elle-même. Dans cet effacement se dessine une forme d'ascèse sonore, de poésie du presque-rien. Un paysage mental sans horizon, mais habité de présences fugitives.
David Grubbs et JL Prades
Jeudi 26 juin 2025 Ă 20h30 au Sonic (Lyon 5e) ; de 12 Ă 13 €