Dilettante de jour : gestes mineurs, territoires poreux
Peinture / À la galerie Tator, les pratiques discrètes d'Amélie Charroin et de Romain Bobichon s'articulent dans un dialogue entre techniques domestiques, supports détournés et temporalités fragmentées.

Photo : Vue de l'exposition © Galerie Tator
Depuis 2019, l'espace d'art situé rue d'Anvers mène un cycle d'expositions consacré aux extensions possibles de la peinture vers les arts appliqués. Quatrième volet de ce projet, Dilettante de jour propose une rencontre entre la designeuse textile Amélie Charroin et le peintre Romain Bobichon, deux artistes qui abordent la peinture comme une pratique perméable, en dehors des protocoles d'atelier ou de production normée.
Leur exposition ne repose pas sur une simple juxtaposition formelle, mais sur une série de correspondances : usage de supports modestes, travail depuis l'espace domestique, attention à la couleur envisagée comme phénomène plutôt que comme signe. Le titre, Dilettante de jour, ne renvoie pas à l'amateurisme, mais à une posture : produire sans urgence, dans un régime d'attention proche du loisir cultivé.
Une pratique de la légèreté matérielle
Amélie Charroin développe une pratique de la gouache sur papiers recyclés, exploitant la réversibilité du support pour jouer des tensions entre transparence et opacité. Sur papier de riz, ses compositions - faussement abstraites - laissent émerger, par répétition et déplacement, des fragments de paysages mentaux. Ni scènes ni motifs, mais structures flottantes, construites dans une logique d'apparition discontinue. Le format réduit et la temporalité ouverte des œuvres évoquent moins le tableau que le journal de travail ou l'étude fragmentaire.

Scanner, pigments, séquences
Chez Romain Bobichon, la peinture s'exerce sur une multiplicité de supports - carton, verre, ou encore la vitre d'un scanner, qui devient littéralement un plan de contact. Le geste pictural y est enregistré sous forme de séquences numériques. Certaines œuvres exposées procèdent de ce protocole : dépôts successifs de matière, scannés à intervalles réguliers, produisant des images en strates, comme une partition visuelle.
Dans l'espace d'exposition, son installation prend la forme d'une chambre d'adolescent, à la fois lieu intime et espace de projections symboliques. Les motifs (larmes, poissons, figures ambiguës) se déploient sur les murs dans une fresque sans centre, sans hiérarchie apparente.

Réciprocité et références souterraines
La porosité des espaces, avec des œuvres s'invitant dans la pièce à côté, et l'usage du mur comme composant plastique à part entière, renvoient au travail de Marc Camille Chaimowicz, figure à laquelle les deux artistes se réfèrent en filigrane. Chez Chaimowicz, les lieux d'exposition sont conçus comme des environnements : les objets, les motifs, les gestes s'y mêlent sans distinction nette entre art et décor, peinture et espace de vie.
Cette logique se prolonge ici. Dilettante de jour n'impose pas une lecture unifiée mais propose une cohabitation de fragments, une attention aux formes mineures, aux gestes situés. Une peinture qui ne cherche pas à dominer l'espace, mais à y circuler.
Dilettante de jour par Amélie Charroin et Romain Bobichon
Jusqu'au 25 juillet 2025 à la galerie Tator (Lyon 7e) ; entrée libre