Dix expositions à découvrir en ce mois de juillet à Lyon et en région

Lundi 30 juin 2025

Sélection / En ce mois de juillet, les expositions rejettent l'évidence pour activer des formes de trouble : entre images déjouées, gestes discrets et dispositifs ouverts, l'art devient espace de réflexion plus que de démonstration. Ce n'est plus ce qu'on voit qui importe, mais comment - et à quelles conditions - cela apparaît.

Photo : Vue du nouvel accrochage d'Artissima, 2025 ©P. Petremant

Gratter le vernis de la honte

Damien Rouxel, Portrait royal, photographie sur dibond, 2019, 70 x 100 cm

Art contemporain / Damien Rouxel explore la scène rurale, non comme décor, mais comme matrice d'une subjectivation dissonante. Héritier d'un territoire que l'on pourrait croire rétif à toute déviation des normes, il y déploie une grammaire du corps et de l'affect, au croisement du vernaculaire et de la subversion. La ferme devient alors un espace liminal, théâtre d'une performativité qui convoque autant Judith Butler que Georges Didi-Huberman : ce n'est pas le réel qu'on montre, mais ses failles, ses interstices, ses possibles. Dans ce champ de tension - entre lignage et dissidence, labeur et jeu - les figures émergent comme des icônes profanes, se réappropriant le réel avec ironie, joie et un brin de cynisme. En contrepoint, le film de Jennifer Douzenel suspend le temps et propose une respiration contemplative, quasi phénoménologique.

Gratter le vernis de la honte par Damien Rouxel
Jusqu'au 26 juillet 2025 à la BF15 (Lyon 1
er) ; entrée libre


Curiosités

Onno Theelen, Frog and catpured bird, 2024 ©Onno Theelen courtesy Galerie Olivier Castaing - Team School Gallery ©Photo J. Kugel

Wunderkammer contemporaine / Dans un accrochage qui assume l'hétérogénéité, Curiosités juxtapose et laisse surgir d'étonnantes résonances, rejouant le motif du cabinet d'objets rares. Si, au rez-de-chaussée, Jeremy Jaspers livre une peinture frontale, directe, mais profondément sensible et poétique, à l'étage, les choix d'Olivier Castaing puisent dans la collection de la School gallery, permettant le déploiement d'un kaléidoscope propre aux wunderkammern. Entre les céramiques d'Onno Theelen, activant une logique baroque de l'excès, les photomontages de Sabine Pigalle rejouant les codes iconographiques du portrait ancien pour en désamorcer l'autorité, les sculptures de La Fratrie questionnant notre rapport à la société de consommation, et les ornements phytomorphes de Safia Hijos, le salon principal se mue en catalyseur d'énergies, compensées par l'élégance des traits au stylo à bille, antidécorativistes chez Olivier Gruber ou hyperréalistes et parcellisés chez Konrad.

Curiosités par Jeremy Jaspers et les artistes de la School gallery
Jusqu'au 26 juillet 2025 à Manifesta (Lyon 1
er) ; entrée libre


Jadis et naguère

Jean Batail, Sans titre, 1993, série ''Les aveugles'', acrylique sur toile 130x97 cm

Peinture / Chez Jean Batail, ce n'est pas tant ce qui est montré qui compte, mais ce qui échappe : la part muette de l'image, son excès ou son manque. Chacune des dix-sept pièces arrachées à l'oubli - la dernière exposition de ce Lyonnais décédé il y a quatre ans remonte à 1993 - semble chercher un point d'équilibre entre le plein et le vide, entre le geste et sa retenue. Il y a quelque chose de presque archéologique dans cette manière de faire advenir l'œuvre : les couches d'acrylique posées et grattées révèlent un travail successif de fouille dans les strates du visible, où le détail, une fois rescapé et délesté de toute rhétorique, peut enfin se montrer, chargé d'un anachronisme mélancolique.

Jadis et naguère par Jean Batail
Jusqu'au 26 juillet 2025 à la galerie Henri Chartier (Lyon 2
e) ; entrée libre


Vue(s), vigie, voisinages

Jérémy Liron, FR8, 2025, huile sur toile, 100x120 cm ©Florence Chapuis

Peinture / Entre les pierres épaisses du Fort de Vaise, les peintures de Jérémy Liron ne s'imposent pas : elles s'installent, s'accordent, se déploient selon la mesure du lieu. Rien d'un dialogue explicite. Plutôt une série de résonances, comme si l'architecture elle-même appelait des images capables d'en relayer les seuils, les rythmes, les absences. Ici, chaque arcade semble frapper le temps, non pour le diviser, mais pour lui imprimer une pulsation - lente, répétitive, presque sourde : une vibration silencieuse. Les références picturales, les archives visibles ou suggérées dans les œuvres, la présence d'autres artistes de la collection de la Fondation (Tony Garnier, Combet-Descombes, Piranèse), forment un fond qui ne commente pas les tableaux, mais les habite silencieusement. Il ne s'agit pas de cohabiter, mais de résonner ensemble, selon une logique non discursive : celle d'une récurrence, d'un retour, d'un contrechant perceptif. Ce que cette exposition met en œuvre, c'est peut-être une topologie mentale : celle d'un lieu pensé non pour être représenté, mais pour accueillir les conditions fragiles d'un regard.

Vue(s), vigie, voisinages par Jérémy Liron
Jusqu'au 27 juillet 2025 à la Fondation Renaud (Lyon 9e) ; de 4 à 6 €


Chloroplast machinery

Vue de l'exposition Chloroplast Machinery de Xolo Cuintle, CAP, 2025 ©Blaise Adilon

Sculpture / L'exposition prend pour point de départ un territoire difficile à voir, à comprendre, à traverser. Plutôt que de contourner cette opacité, les artistes en font le cœur de leur méthode : une sublimation de la cécité nourrie par l'imagination. Le regard, empêché, frustré, devient ainsi un moteur. Pour cette exposition, Xolo Cuintle, duo formé par Romy Texier et Valentin Vie Binet, a arpenté un paysage fragmenté - la Vallée de la Chimie - en retenant des signes discrets, parfois illisibles, qu'il a su transformer en objets autonomes, entre mémoire enfouie et projection spéculative. Ces formes inclassables, faites de béton, de céramique, de métal, sollicitent une attention flottante. Elles convoquent un imaginaire antérieur aux images, archaïque, un monde de seuils, de transitions, où l'humanité est absente. En refusant la lisibilité immédiate, les artistes libèrent un espace pour ce qui persiste sous la surface : traces d'usages oubliés, présences non nommées, hypothèses de mondes anciens ou futurs. La frustration scopique devient ici un outil de création, non pas pour représenter, mais pour faire surgir.

Chloroplast machinery par Xolo Cuintle
Jusqu'au 8 août au CAP (Saint- Fons) ; entrée libre


La peinture par d'autres moyens

Vue de l'exposition La peinture par d'autres moyens, MAMC+, Pierrette Bloch, © Adagp, Paris, 2025, Photo A. Mole - MAMC+

Peinture et sculpture / L'exposition déroule le fil tendu d'une œuvre qui, sept décennies durant, n'a cessé d'interroger ses propres limites. Pas de progression linéaire ici, mais une suite d'écarts lucides, de reprises méditées, de bifurcations têtues. Le parcours, réparti en sept séquences, fait apparaître la cohérence d'un geste s'incarnant dans de nombreuses textures et techniques : encres, collages, mailles de crin, bandes de papier, boucles et suspensions composent une grammaire où le noir tient lieu de voix. Bloch y explore les tensions entre répétition et variation, poids et légèreté, silence et écriture. À chaque étape, l'œuvre creuse une question : que peut un matériau pauvre, un geste élémentaire, une forme à peine surgie ? Le résultat n'est ni démonstratif ni décoratif, mais rigoureux, parfois ascétique, esquissant le parcours d'une œuvre discrète, mais d'une rare densité.

La peinture par d'autres moyens par Pierrette Bloch
Jusqu'au 21 septembre 2025 au MAMC+ (Saint-Priest-en-Jarez) ; de 0 à 6, 50 €


De l'herbier au monochrome

Marinette Cueco, Potagerie Rosa Alba, 2012, pétales de roses rouges veloutées et rouilles, 180 x 135 cm

Eco art / L'exposition regroupe onze œuvres et une installation réalisées par Marinette Cueco à partir d'éléments végétaux - feuilles, pelures, tiges, fibres - collectés puis agencés selon des procédures répétitives et précises. À rebours des pratiques du land art, ces pièces ne s'inscrivent pas dans un rapport monumental et direct au paysage, mais sont pensées pour une relation non invasive avec la nature, permettant la création d'une sobre intimité avec l'œuvre. Dans cette série réalisée entre 2006 et 2012, l'artiste, ramassant, triant, découpant et ordonnant la matière végétale, semble avoir voulu évoquer certaines pratiques conceptuelles des années 1960, notamment celles de Piero Manzoni : même refus de l'image, même tension entre matière brute et dispositif formel, même réduction à l'essentiel - mais libérant ce geste du désir autoritaire et l'incarnant dans un engagement sensible.

De l'herbier au monochrome par Marinette Cueco
Jusqu'au 26 juillet 2025 à la galerie Ceysson & Bénétière (Lyon 1er) ; entrée libre


Autour de l'empreinte

François Rouan, Regard voilé I, 2015-2016, peinture à l'huile sur toiles tressées, 183 x 152 cm, collection de l'artiste © ADAGP, Paris, 2025. Image © Atelier Laversine

Peinture / Chez Rouan, l'image n'advient jamais d'un bloc : elle glisse, elle revient, elle s'ouvre en tressage - non comme ornement, mais comme méthode de survie. En cela, il rejoint ce qu'Aby Warburg a traqué toute sa vie : le surgissement du passé dans le présent, la manière dont une forme peut revenir comme forme de mémoire vivante. Quand Rouan cite Lorenzetti ou Primaticcio, cela active une mise en tension savante et fascinante : il ne copie pas, il incorpore. Les fresques du Palazzo Pubblico de Sienne ou les compositions maniéristes ne sont pas là pour être admirées, mais pour être traversées, feuilletées, rouvertes - dans le pli du papier, dans la fêlure du regard. Le tressage devient alors un dispositif critique : il disloque l'unité de la peinture comme l'Histoire elle-même, au profit d'un montage où le passé n'est jamais clos, mais en suspens. Ainsi, l'empreinte, loin d'être figée, devient mouvement.

Autour de l'empreinte par François Rouan
Jusqu'au 21 septembre 2025 au Musée des Beaux-Arts (Lyon 1
er) ; de 0 à 8 €


Nouvel accrochage d'Artissima

Vue du nouvel accrochage d'Artissima, 2025 ©P. Petremant

Art contemporain / Le quatrième accrochage de la collection prend place sans ostentation, dans un espace qui ne cherche ni à imposer un parcours ni à produire un discours, laissant coexister les œuvres selon des liens parfois formels, parfois latents. Dès l'entrée, le ton est donné par des pièces qui interrogent la mémoire, non comme contenu explicite, mais comme rapport au visible - visages brouillés chez Giulia Andreani, surfaces grises et fragiles chez Jean-Marc Cerino. Plus loin, le travail de M'barka Amor déplace cette question vers la fiction sociale, en imaginant un dialogue entre deux figures a priori inconciliables. À travers la peinture - Desgrandchamps, Sanchez, Leroy -, la figuration se dérobe plus qu'elle ne s'impose. D'autres œuvres - celle de Muholi, monumentale, ou les figures effacées de Namoda - interrogent la place, l'absence, la représentation. Ailleurs, le geste devient plus formel : Skoda travaille la perception, Penone et McCollum modulent la répétition, le système. Le regard du collectionneur semble ici osciller entre une attention à l'image comme trace et une curiosité pour ses limites : ce qu'on voit, ce qu'on devine, ce qui échappe. Le parcours repose ainsi sur une tension constante entre le singulier et le groupé, sans que cela puisse se matérialiser en quelconque récit : une forme d'exposition qui préfère le lien au programme, la constellation à la démonstration.

Nouvel accrochage d'Artissima
Jusqu'au 1er novembre 2025 (fermeture en août) à la Collection Artissima (Rochetaillée-sur-Saône) ; de 7 à 15 €


Les trésors méconnus de Viollet-le-Duc 

Reliquaire de la Sainte Couronne de Notre-Dame de Paris ©Pascal Lemaitre

Art religieux / L'exposition dévoile une facette peu étudiée de l'œuvre de l'architecte et théoricien parisien : la conception d'objets liturgiques, où la rigueur du dessin rejoint l'exigence symbolique. Plutôt que de restaurer uniquement les édifices, Viollet-le-Duc entreprit d'en reconstituer l'univers cultuel dans son entier, usant de la même logique structurante que pour ses architectures. À travers calices, reliquaires ou aiguières - souvent exécutés par les meilleurs orfèvres de son temps, tels Poussielgue-Rusand, Chertier ou Bachelet - se manifeste une pensée de l'ensemble, où chaque pièce dialogue avec l'espace sacré qui l'accueille. Cette quête d'unité, qui n'est pas sans évoquer la notion romantique d'œuvre d'art totale, prend ici un tour spécifique : enracinée dans le XIIIe siècle, mais animée par les moyens du XIXe. Le parcours, accompagné de dessins préparatoires et de documents issus des fonds d'ateliers récemment redécouverts, est scandé par la présence de plusieurs pièces précieuses, telles que le buste de Saint Louis et le reliquaire de la Sainte Couronne d'épines du Trésor de Notre-Dame de Paris.

Les trésors méconnus de Viollet-le-Duc
Jusqu'au 2 novembre 2025 au Musée de Fourvière (Lyon 5
e) ; de 0 à 10 €