Yuval Pick is Bach
Danse contemporaine / Après avoir quitté la direction du CCN de Rilleux-la-Pape, Yuval Pick rebondit avec une nouvelle compagnie et une nouvelle pièce dialoguant avec l'un de ses compositeurs fétiches, J.S. Bach.

Photo : Sébastien Erôme
En 2024, Yuval Pick a quitté ses fonctions de directeur du Centre Chorégraphique National de Rilleux-la-Pape (où il avait été nommé en 2011) et a créé une nouvelle compagnie dénommée "Lignes sauvages". Sauvages comme le chaos, les distorsions, les dysharmonies, les ruptures de rythmes au sein desquelles le chorégraphe n'hésite pas à se placer, pour en tirer des lignes (courbes souvent) de vie, individuelles et collectives.
Cette nouvelle étape marque aussi un changement notable dans sa façon de créer ses pièces, à partir de sa méthode "Practice" qu'il immerge dans certains univers musicaux. D'abord simple méthode d'échauffement et de développement physique pour ses danseurs, Practice est devenu aujourd'hui un véritable creuset d'invention de gestes et de mouvements. « Les fondamentaux de cette méthode tiennent dans les notions de rotation, d'"espace-entre", de transfert de poids, de qualité du rebond au sol, de corps orchestral mettant en dialogue le haut et le bas du corps » précise Yuval Pick. Chaque danseur y développe des mouvements issus de sa propre « identité » physique et corporelle, et non pas « dictés » de l'extérieur.
Paysage de notes et de corps
La nouvelle pièce de Yuval Pick, Into the silence, confronte Practice aux Variations Goldberg de Bach, interprétées par Rosalyn Tureck (dont le tempo lent et la manière de jouer épurée sont particulièrement poignants).
La pièce est composée de deux parties articulées ensemble : un solo masculin et un duo féminin. « Je traduis "Into the silence" plutôt par "Vers la paix", avec l'image de deux mains qui se serrent lors d'une rencontre et d'un accord, deux mains qui se trouvent dans la différence. À une époque actuelle désorientée et violente, j'avais envie de donner, au public et aux danseur·euses, à travers la danse et la musique, quelque chose de paisible, une harmonie possible, un accord. »
Paysage de sensations à la fois très proches et toujours différentes, les Variations Goldberg résonnent particulièrement avec l'univers de Yuval Pick : différences et répétitions, chevauchement de strates qui se répondent de loin en loin, boucles spiralées qui invitent aux rotations, silences qui ouvrent à la présence de la danse... Ces Variations qui pourraient être prises facilement pour une composition mathématique et éthérée glissent ici vers autre chose, la musique de Bach s'entremêlant aux corps vivants et organiques des trois interprètes.