La Disparition de Josef Mengele, quoi de neuf docteur ?

Publié Jeudi 9 octobre 2025

Medicine Man / Moins d'un an après Limonov, la balade, Kirill Serebrennikov filme l'impossible retour au réel d'un monstre de l'Histoire en cavale. Une œuvre dense et généreuse qui navigue entre les genres et les époques avec une intelligence redoutable

Photo : La Disparition de Josef Mengele © Lupa Film, CG Cinema, Hype Studios

Adapté d'un roman d'Olivier Guez publié en 2007, La Disparition de Josef Mengele relate les années d'exil de "L'Ange de la mort" d'Auschwitz en Amérique du Sud au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Ce portrait trouble permet à Kirill Serebrennikov de réaffirmer un cinéma mouvant et en trompe-l'œil, explorant rigoureusement les angles morts de l'Histoire. L'introduction, faussement académique, ouvre la voie à une ironie mordante : des étudiants d'aujourd'hui sont confrontés au squelette d'un certain Josef Mengele. Qui était-il ? C'est une réponse plurielle et imagée qui nous attend.

Partir un jour...

Témoin impuissant d'un monde qui avance désormais sans lui et qui le condamne à la clandestinité, le funeste docteur se morfond dans le déni, sans le moindre remord. Par des reflets déformés, le film épouse sa perception biaisée et viciée pour flirter avec l'espionnage et le thriller paranoïaque. La mise en scène souveraine assure la limpidité d'une chronologie déstructurée et d'une évocation en puzzle : son geste mute perpétuellement et refuse de se figer. Le cinéaste évoque en arrière-plan une phase méconnue de l'Histoire où le nazisme survit en Allemagne au travers de notables sympathisants. Les diverses dictatures sud-américaines qui se succèdent, répondent quant à elles à la complicité de ceux et celles qui aident tour à tour Mengele : nul n'est innocent. Dans un rôle en miroir inversé de celui qu'il tenait dans Une vie cachée de Terrence Malick, August Diehl est formidable en protagoniste détestable, monstrueux et pathétique.

...sans retour

Étonnement, le long-métrage s'avère parfois assez drôle. La satire, serait-elle donc la seule manière d'éviter de montrer l'irreprésentable ? Kirill Serebrennikov tend à prouver le contraire lorsqu'il nous plonge frontalement au cœur de l'horreur d'Auschwitz. Son approche ne souffre d'aucune complaisance, elle revendique une volonté de traiter le mal de la manière la plus concrète possible. Cette logique organique et charnelle habite en fin de compte l'entièreté du film. Le cinéaste donne littéralement chair à Mengele, passant de son squelette à son corps nu (et en pleine forme). Un corps en décomposition progressive, à l'instar de sa situation sociale déliquescente. Le travail esthétique sur les miroirs et les reflets confronte alors l'image presque abstraite du personnage à sa réalité matérielle. Il n'est plus seulement question de montrer l'abjection, mais plutôt de la disséquer chirurgicalement et en profondeur. Le cinéaste s'inscrit ainsi dans l'héritage de deux œuvres définitives : Le Ruban Blanc par la présence commune de l'acteur Burghart Klaußner mais aussi La Zone d'intérêt à la faveur d'un étourdissant flash-back. Il n'y a pas de quoi rougir.

La Disparition de Josef Mengele
De Kirill Serebrennikov (Allemagne, France, 2h16) avec August Diehl, Friederike Becht, Dana Herfurth... En salle le 22 octobre 2025.

La Disparition de Josef Mengele

sortie nationale : Mercredi 22 octobre 2025
De Kirill Serebrennikov Avec August Diehl, Dana Herfurth, Burghart...

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